X Husák Dubcek, né le 6 janvier 1903, décédé le 18 novembre 1992, celui
qu'on surnommait le Fassbinder des intellectuels est mort en pleine gloire au moment où il préparait son trente-troisième film, Gleißende Sonne (Soleil de plomb)
Né à Praha (Prague), d'un père catholique et d'une mère juive, du temps de l'ex-empire Autriche-Hongrie, il possédait, selon lui,
sept
nationalités («et relevait d'autant de religions»[1). - Il était, en effet de descendance bohême du
côté de ses ancêtres maternels et de descendance hongroise du côté patrenel ; élevé par une tante parlant l'allemand (Sudète), il immigra avec ses parents en Autriche en 1918, puis en France en
1921, avant de s'installer aux États-Unis où on le retrouve assistant-caméraman de Griffith en 1923 peu de temps avant son retour en Europe où il s'installa définitivement en Allemagne.
D'abord influencé par les comédies de Mack Sennett et des Keystone Cops, il tourne, en 1924, 1926 et 1927 trois comédies
(deux bobines - 20 minutes) :
Schwarzeschaftoteblieder (Lieder
sur la mort des brebis égarées),
Der Geier (Les vautours meurent aussi)
Der Mord (La mort était au rendez-vous)
Il se penche ensuite vers
le long métrage et la tragédie, en 1929, avec Die
Burleske Komik (Relève tes culottes, Marguerite) qui fut, malheureusement un échec.
De 1932 à 1938, il tourne quatre films inspirés des comédies américaines de l'époque ce qui fit dire au critique Koffie Aulatte [2] qu'avant 1948, il ne nous a donné que des copies de copies même si, Die Taucher (Le plongeur de Belgrade) lancé en 1933, à la veille de la prise du pouvoir par les Nazis, annonce
déjà sa période post-1945 par «son sens inné du mysticisme dans la réalité quotidienne» (Orel de Montier)[3].
Emprisonné puis déporté en 1942 - parce que mi-juif -, il passera le reste de la guerre dans un camp de concentration près de Terezin en Tchécoslovaquie où, en
1945, à la libération, il assiste, impuissant à la mort de son ami Robert Desnos et
à celle du père d'autre cinéaste de renom, Victor-Emmanuel Débris, que,
tous les deux, il avait connus au milieu des années trente lors de ses multiples voyages à Paris et au Vatican. - Cette expérience bouleversera sa vie.
Après une longue convalescence, il retourne au cinéma en 1948 avec un projet ambitieux : tourner, chapitre par chapitre, le roman de son compatriote, Beneš Masaryk (Benoit Gendron), Begierdeplatz (La place du plaisir) qui raconte l'histoire d'une famille chrétienne-socialiste vivant à Vienne, depuis l'Anschluss de 1938 jusqu'à la fin de la deuxième
guerre mondiale où, dans un des derniers bombardements alliés, tous les représentants sont exterminés. - Cette épopée (car c'en est une) s'étire sur sept films dont, selon les historiens du
cinéma d'avant la Nouvelle Vague «on ne saurait comprendre, encore aujourd'hui, l'influence énorme qu'ils ont eue sur la façon de décortiquer l'anecdote jusqu'à rendre l'histoire la plus
simple complètement incompréhensible»[4]. - Ce
tournage dure 12 ans interrompu seulement par Das Gespräch (La conversation), une allégorie sur la dévaluation du Deutsche Mark (1951).
En 1961, il entreprend, en Algérie, alors en pleine guerre, le tournage de Sieben Kirche Gebote,
une série de sept films connus par la suite en francophonie sous le nom de Septuor, dont les scénarios sont basés sur les sept commandements de l'Église. - Celui rapport à la dîme [5] est accueilli avec froideur dans l'Espagne catholique où il est traité d'anti-pape. (On sait les énormes difficultés qu'il avait éprouvées à trouver une comédienne pour incarner sa vision du
pape Pie XII).
En 1968, il dirige, contre son gré, un remake, en français, de l'Année dernière à Marienbad (à Marienbad) sous le titre de Von Jahr zu Jahr (D'années
en années) que d'aucuns considèrent son chef-d'oeuvre même si certains critiques ouest-allemands lui reprochèrent alors de tomber dans la pure complaisance ayant, pour certaines scènes, créé
des dialogues intelligibles.
Puis, en 1972, c'est l'éclatement :
Il tourne coup sur coup quatre films pour la télévision belge où la réalité l'emporte sur le symbolisme. - Avec une caméra presque à l'épaule, accompagné de son
acteur fétiche, Yuki Ohno, il parcourt les bas-fonds d'Hambourg, d'Amsterdam, de Liège et de Clermont-Ferrand à la recherche des scènes les plus sordides «d'où, dit-il, à la manière
de Lautréamont, je ferai jaillir le goût du beau en décrivant le mal.» [6] - Déconcertée, la critique crie au scandale mais l'idée passe et ces quatre films font un malheur à Paris, Londres, Berlin, New York et au Vatican où l'on raconte que Paul VI lui-même insistait
pour en visionner jusqu'à trois par semaines.
En 1983, il retourne au cinéma classique en filmant un Ben Hur entièrement en studio avec Ramon Hernandez, Marina Skondia et
un sosie de Capucine (dans le rôle d'Esther) où des parties d'échec remplacent la bataille navale et la course de chars. - Première : le 14 avril 1984. - C'est le scandale encore une fois mais le film est un succès commercial... «à cause,
écrira plus tard Koffie Aulatte [7], des formes de Madame Skondia»
(coupées dans la version destinée au marché américain où le tout fut accueilli avec une certaine réserve).
En 1986, il surprend à nouveau en dirigeant une Vie de Ste-Thérèse de l'Enfant-Jésus au lyrisme troublant qu'on compare favorablement à La passion
de Jeanne d'Arc de Carl Dreyer (1929) et où le carmel de Lisieux est remplacé par un pavillon de banlieue futuriste dans lequel le living sert de chapelle expiatoire.
En 1989, c'est Der Glatzkopf (Le Chauve), violente dénonciation du néo-nazisme en Allemagne et Da kann ich nichts machen (Je n'y peux rien),
un documentaire sur le cinéma muet d'avant 1921 en Yougoslavie.
Puis c'est l'éclipse :
En 1990 et en 1991, il ne tourne que des films publicitaires, Le café Godfried, la pâte à dent Miracle, la mayonnaise Schültz, les pistes en hémicycles Mühler, etc. où souvent il se fait remplacer et ne sert que de prête-nom.
Paraît à la fin de 1991 son dernier film, tourné de 1981 à 1988, Da kann ich nichts machen machen (Je n'y peux rien de rien) qui devient
ainsi son ultime chef-d'oeuvre. - Tourné entièrement en studio, ce film raconte l'histoire d'un revendeur de porte-manteaux à Budapest au cours de la deuxième Grande Guerre.
Dans ses tiroirs, pourtant, une dernière tragédie, Gleißende Sonne (Soleil de plomb),
citée ci-dessus, qu'il n'aura pas le temps de terminer et dans lequel un Yuki
Ohno vieilli, presque caricatural, devait jouer le rôle d'un ex-espion russe distribuant des tracs dans la banlieue la plus huppée de Vienne.
Il meurt dans des circonstances pour le moins inusitées :
À la recherche d'une référence sur Zoroastre, il perd l'équilibre du haut de l'échelle où il était monté, dans sa bibliothèque, recevant sur la tête le volume
dix du dictionnaire encyclopédique Larousse (version 1961). Son petit-fils Gino découvrira son corps le lendemain.
Ses cendres, depuis le 7 août 1997, repose au cimetière der Abfall, à Berlin.
Photos :
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En Amérique, assistant-
caméraman
(1923)
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Entre Berlin
et Paris (1937)
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Avec la cinéaste
Leni Riefenstahl
(1948)
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En «l'homme» dans
Von Jahr zu Jahr (1968) |
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En commentateur dans Da kann ich nichts machen
(1989)
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