Premier étudiant diplômé de
l'Université de Napierville, Joseph Edmond Hercule Poisson est né le 16
novembre 1839, à
Saint-Nicolas, sur la rive-sud du
Saint-Laurent, près de Québec, fils de Louis-Marthe Poisson et d'Euphrosine
Gosselin, tous deux de Saint-Joseph-de-la-Pointe-Lévy. - Le grand-père,
Napoléon, qui avait été tour à tour cultivateur, navigateur, à nouveau
cultivateur, commerçant, charpentier, menuisier, entrepreneur de quais et
constructeur de navire avait laissé à son fils, Louis-Marthe, de vastes
propriétés dans les Chaudières-Appalaches. - Le père de Joseph Edmond
Hercules est un gentleman farmer, un châtelain, comme on
disait à l'époque.
De l'union de Louis-Marthe et d'Euphrosine,
naquirent sept enfants dont cinq moururent en bas-âge : Marguerite
(1833-1834), Louis (1835-1837), Philomène (1843-1844), Napoléon (1845-1846) et
Zélie-Marguerite (1853). - Un frère puîné, Modeste, né en 1841, allait mourir
à vingt ans.
Hugo parut à l'heure où l'Europe en démence
Tordait ses membres nus dans le brasier immense
Allumé par le bras d'un sublime tyran [...]
Toi, lorsque tu naquis, le torrent populaire
Déchaînait sur nos bords sa farouche colère ;
L'échafaud se dressait pour ses héros trahis [...]
Des souffles d'épopée emportaient la jeunesse ;
La foule palpitait d'une héroïque ivresse ;
Dans tous les coeurs parlait le vieux sang des aïeux ;
Et, bercé par les chants de l'époque insensée,
Tu grandissais avec du feu dans la pensée
Avec des éclairs dans les yeux.
(W. Chapman - La Patrie, 7 juillet 1883)
De 1845 à 1853, des maîtres d'école
d'origines diverses assurent l'instruction primaire des deux frères :
un
Anglais, Johnson ; un Français, Letour ; des Canadiens, Legendre, Letendre, L'Archevesque
et même un indien, Godelle.
En 1849, il suit des cours préparatoires à la
première communion de l'abbé Pascal de Saint-Agapit.
En 1852, la famille
s'installe en la haute-ville de Lévis, rue Notre-Dame.
En 1853, Joseph
Edmond Hercules est inscrit en 2e année au collège des Frères des écoles
chrétiennes.
En 1854, il entre comme interne au Petit Séminaire de Québec.
Ses notes sont bonnes au premier et au second trimestre mais l'année suivante,
on note que son travail "laisse beaucoup à désirer", qu'il est "très"
ou "souvent" inattentif. - L'enseignement religieux ne lui convient
pas.
Il fait quelques fugues puis, en 1857, il est expulsé. - La même année,
il entre en versification au collège de Saint-Anne-de-la-Pocatière (Bas-Saint-Laurent)
dont le supérieur, l'abbé Drouhin, semble comprendre son tempérament
littéraire. - Il y écrit, en 1858, son premier poème, La tasse de thé
qui sera repris dans Le Castor, en 1901, puis un deuxième en
l'honneur de "Monsieur
Drouhin, Supérieur du Collège Saint-Anne".
En 1859, il quitte le collège
Saint-Anne-de-la-Pocatière pour poursuivre ses études de Belles-Lettres au
Séminaire de Nicolet où, premier de classe, en 1860, 1861 et 1862, il se fait
néanmoins reprocher d'être "trop appliquée à la poésie et pas assez aux
matières de classe." - Il obtient son baccalauréat en juin 1862 et décide de
se lancer dans la carrière de l'enseignement et du journalisme.
La réputation du Grand
Marshall l'attire, finalement, à l'automne de 1863, il s'inscrit à
l'Université de
Napierville qui vient d'ouvrir ses portes.
Il y fait des études
brillantes et reçoit, le 19 juin 1867, de la main même du fondateur, le tout premier
diplôme décerné par l'Université de Napierville : un doctorat en littérature,
option poésie appliquée. - Le sujet de sa thèse : "La poésie au service de
l'industrie et du commerce" qui lui vaut, dans les journaux politiques et
économiques de l'époque, d'étonnantes louanges.
Joignant les rangs de La
sauterelle, journal à tendance nationaliste, il devient leur
correspondant "à l'étranger" et se joint, le 18 février 1868, au premier
détachement des zouaves pontificaux canadiens. L'aventure ne lui plaît guère
et quelques semaines plus tard, il est de retour au pays où débutent ses
véritables voyages : Chicago, en juillet, Détroit en août, Ottawa, Montréal,
Joliette, Québec et Saint-Hyacinthe en août et septembre puis s'installe
définitivement à Chicago en janvier 1869.
En 1870, le 3 septembre, au
lendemain de la capitulation de Sedan, il échange des coups avec des Allemands
devant les bureaux du Chicago Tribune. - Arrestation, détention "préventive" :
Joseph Edmond Hercules doit s'exiler. - Il choisit la Louisianne où il restera
15 ans. Pigiste, il vivra, pendant des années, de sa plume, écrivant pour
divers journaux américains, canadiens et français, rédigeant, à temps perdu,
de longues suites poétiques, lisant mais aussi suivant des cours au
Bâton-Rouge Medical Institute for the Poetically Inclined où il décoche,
contre toute attente, un doctorat en médecine en 1878.
Cette période de sa vie nous
est peu connue. - Dans ses "Mémoires", parus en 1913, il appelle ces années, "ses
années de formation". "Je croyais savoir tout : je ne savais rien."
- On lui connaît une liaison avec une certaine "Mary" que d'aucuns disent être
la grand-mère naturelle de
Jelly Roll Morton mais les récentes biographies de ce musicien
nient cette possibilité.
La mort de son père (1884)
puis de sa mère (1885) le ramènent au Québec où, se déclarant américain, puis
"citoyen du monde", il a de la difficulté à s'adapter à l'esprit
sectaire qui régnait alors dans tous les milieux. - Il a, de plus, pris la
mauvaise habitude de dire tout haut ce que les autres pensent tout bas.
En 1887, nouveau tournant dans
sa vie : il a 48 ans, une fortune, il est médecin, poète, journaliste,
écrivain, célibataire. Toujours en communication avec le Grand Marshall, il
apprend que l'UdeNap, son alma mater, est à la recherche d'un titulaire pour
sa nouvelle faculté de médecine, département des sciences comptables et de la
stratégie des affaires. - En 1888, il est au poste ; doublement au poste
puisqu'il épouse cette année-là, Joséphine Labranche de Saint-Jean-sur-Richelieu.
- Le couple s'installe dans le quartier qui se développe peu à peu autour du
campus.
De 1889 à 1899, l'activité de
Joseph Edmond Hercules Poisson est fébrile : il écrit des centaines d'articles
pour des journaux spécialisés, sept volumes de poésie didactique, deux romans
et une pièce de théâtre sur les Patriotes de 1837-1838 tout en enseignant
l'économie et la chirurgie puis, en 1900, lorsque le Grand Marshall fonde Le
Castor, il est de la toute
première équipe.
Ce n'est qu'à partir de
1905-1906 que son activité ralentit.
En 1907 - il a alors 68 ans -
il décide de prendre sa retraite et commence la rédaction de ses mémoires
qu'il publiera en 1913 sous le titre de "La traversée du grand fleuve"
puis meurt à la veille du grand conflit mondial laissant derrière lui, un
fils, Louis et deux filles, Marthe et Phonsine.