Vol. XXX,  n° 5 Le seul hebdomadaire de la région publié une fois par mois Le lundi 6 janvier 2020

Janvier
 

 


Ce numéro

(Mais pas nécessairement dans l'ordre)

Christopher Hitchens - Noël et le Jour de l'An - John Le Carré - Kris Kristofferson -  Aurélien, César et... Jésus-Christ - Lou Andreas Salomé - Louis Fréchette - Savas Dimopoulos - Baton Rouge - Richard Dawkins - Leroux dit Cardinal - 20, 2020 et 2040 - Sherlock Holmes - Penn Jilette et le cardinal Léger - Jeremy Brett, Benedict Cumberbatch et Martin Freeman - Madame Tartempion de Saint-Éloigné-des-Chars... et Le petit papa Noël de Tino Rossi.

Bonne lecture !


Chroniques


 

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      Simon Popp

Pré-chronique : Noël et les Fêtes (?) du Nouvel An

Note : Cette chronique, je l'ai écrite en novembre dernier pour qu'on l'inclue dans l'édition précédente du Castor™, peu avant ce qu'il est convenu d'appeler les Fêtes, mais la direction a tenu à ce qu'elle ne soit pas publiée avant aujourd'hui parce qu'elle allait, selon plusieurs, empêcher de nombreuses familles de profiter des rares plaisirs qui leur sont alloués une fois l'an. Or, c'est justement pour m'en prendre à ces pseudo-plaisirs que j'ai consciemment voulu la rédiger. À vous de juger.

Quelques faits d'abord (à propos de Noël) :

Noël est une fête d'origine romaine qui s'appelait Dies natalis Solis Invicti ou «jour de la naissance du soleil invaincu» et qui fut fixé au 25 décembre par l'empereur romain Aurélien en 274 pour coïncider avec, plus ou moins, le lendemain des traditionnelles Saturnales qui se déroulaient aux environs du solstice d'hiver et au cours desquelles on célébrait également la naissance de la divinité solaire Mithra. - Raison de cette date ? L'unification religieuse de l'empire, donnant à la fois raison de se réjouir aux adeptes du Sol Invictus  et à ceux du culte de Mithra. À cette unification, suivit en 336 la célébration de la naissance de vous-savez-qui. - L'Église naissante poursuivait son rôle apostoliquant...


Aurélien

Précisons à ce propos que si, en l'an 336, on s'est entendu sur la date de naissance du Christ, on n'est toujours pas fixé sur la date de sa mort (l'avant-veille de - et non trois jours avant - Pâques).

D'autres faits, mais à propos du Jour de l'An

Il faut être sérieux parfois et se demander quand, au juste, débute une nouvelle année.

Le premier janvier ? Pourquoi pas le 12 ? Ou le 22 (mais du mois de septembre)...

Tout ça m'a l'air d'une affaire décidée pas Jos le Hasard, l'équivalent temporaire de «Jos, the plumber» américain : par l'endroit où l'on est né, de qui, et surtout de la religion dans laquelle on nous a inscrit peu de temps après.

Dans l'Égypte des pharaons, le premier jour d'un nouvel an correspondait à l'arrivée annuelle de la crue du Nil.  Chez les Grecs, ce premier jour était celui de la nouvelle lune suivant le solstice d'été. Chez les Berbères, c'était celui de la fondation de la XXIe dynastie ou le 12 janvier. Chez les Républicains, on l'avait fixée au 1er vendémiaire ou au 22 septembre, jour de l'équinoxe automnale. 

Le premier janvier que l'on connaît ? Il est redevable en majeure partie à Jules César... mais ce jour correspond toujours à d'autres : chez les juifs, les musulmans, les chinois...

Un fait demeure : astronomiquement, il n'existe aucune raison pour laquelle on fixerait dans l'espace un point précis de la translation de la terre autour du soleil. Sauf celui où la terre serait «apparue» il y a, selon de savants calculs, 4,543 milliards d'années. - Et y'a pas eu de témoins.

Autant piger une date au hasard, non ?

À noter :

Il n'y a pas eu d'année zéro, même dans le calendrier que la majorité de la population du monde utilise présentement. - L'année zéro fut la première année, point. Ce qui fait que le XXe siècle n'a pas débuté le premier janvier de l'an deux mil, mais bien le premier janvier de l'an deux mil un, l'an deux mil était la dernière (ou centième année du XIXe siècle), l'an 1999 étant la 999e du deuxième millénaire et l'an 2000 en étant la millième. - Mais allez dire ça aux millions, aux milliards de gens qui ont célébré le «nouveau» millénaire le 1er janvier de l'an 2000... 

Personnellement, je préférerais, parce que, quand même, il faut  s'entendre sur un jour précis - appelez-le le «premier» -, ne serait-ce que pour savoir quand on est, soi-même, né - et puis ça  aide pour dater les transactions commerciales - je préférerais, dis-je,  le premier jour du printemps, pas une date fixée à peu près au début de l'hiver. Mais notre printemps coïnciderait de toute façons avec le début de l'automne dans l'hémisphère sud... - Il me faudrait déménager, apprendre une autre langue (même en Australie)... - Un avantage : ce ne serait pas loin de Pâques. Vous savez cette date dont à laquelle je me référais il y a deux minutes : celle non fixe qui correspond avec celle de la mort de notre «Sauveur» qui, s'il est né à une date précise, a été mis à mort à une date variable impliquant la lune et diverses autres complications, celle de... tiens une autre chose que je ne comprends pas : la présence de lapins et d'oeufs en chocolat.

Mais revenons à Noël et aux fêtes du Nouvel An.

Mes fêtes

Depuis trente ans, au moins, je pense à disparaître de la surface connue de la terre du 15 décembre au 15 janvier. Pourquoi ? Pour ne pas avoir à serrer la main ou embrasser des gens avec qui je n'ai rien en commun sinon que leurs parents, arrières ou récents, ont couché avec les miens. Certaines tantes, entre autres, celles avec des moustaches et puis des oncles, ceux qui puent l'alcool. - Puaient parce qu'ils sont tous décédés. - Tous ceux également qui tiennent à me donner des claques dans le dos ou qui m'invitent à venir fêter chez eux... parce que, jeune, on m'a appris à ne jamais arriver «les mains vides», surtout dans ces maisons où il y a des enfants. Et puis y'a toujours cette affreuse cuisine qu'on nous sert, même chez la belle-soeur ou la cousine éloignée qui sait littéralement «faire la dinde» comme pas une. - Je pense aux fêtes au bureau tant qu'à y être et à ces concerts avec Richard Abel et à ces décorations qu'on retrouve même chez Canadian Tire. Ou à l'épicerie du coin tenue par des musulmans...

Tout ça pour dire :

Y'a kek'chose qui cloche là-dans. D'autant plus que je m'aperçois de plus en plus que je suis entouré d'athées. Pas de confession, ni de façon ostentatoire, mais d'athées parce qu'ils agissent comme des non-croyants 364 jours par année. Ne vont plus à l'église, sinon faire baptiser leurs derniers (une chose que je ne comprends pas d'ailleurs), ne prient plus, ne parlent jamais de leur «créateur» et se conduisent comme de véritables... athées, justement.

Ce qui n'a rien de surprenant :

Croyances et fausses croyances

Penn Jillette, du groupe de magiciens Penn & Teller, dit qu'il n'y a une façon infaillible - permettez que j'utilise ce mot pour parler d'un livre qu'on dit sacré - une seule façon, dites infaillible, de devenir athée et c'est de lire la Bible ; particulièrement l'Ancien Testament, quoique on peut en dire tout autant, mais d'une autre façon, du Nouveau.

Dans l'Ancien Testament Richard Dawkins est d'avis que le Dieu qu'on y mentionne est : «un raciste de tout premier ordre, généralement assoiffé de sang, un être plutôt vindicatif, misogyne et homophobe, avec une certaine tendance vers l'infanticide et le génocide et qui, de plus, semble être un mégalo et un sado tout en étant un intimidateur de tout premier ordre... - et capricieux, par dessus le marché.» 

Ce à quoi ajoute Christopher Hitchens que : «Son fils s'est curieusement pointé, après plusieurs milliers d'années d'absence totale, pour éclairer le monde dans une région presque désertique, là où l'ignorance était un fait [et non en Chine où l'on savait déjà lire et écrire], la seule au Moyen-Orient où il n'y a jamais eu de pétrole.... et encore plus curieusement, là où allait naître des siècles plus tard un certain Mohamed...»

Et si cela ne suffit pas, lisez sur ce que l'Église catholique a fait du Québec alors qu'elle était triomphante (un mot emprunté d'un de ceux fréquemment utilisés par le Cardinal Léger), non pas ce qu'elle semble vouloir faire aujourd'hui avec ces si aimables et si à la mode représentants...

En bref

Quand vous aurez digéré ce qui précède, oui, vous pourrez me parler de Noël, des Anges dans nos campagnes et du Minuit, Chrétiens. - Vous avez bien lu : «Minuit, virgule, Chrétiens».

Et puis, avant que j'oublie, ajoutez donc le Santa Claus, la Fée des étoiles, Le petit papa Noël de Tino Rossi et, si vous êtes vraiment nostalgique, le Miracle on 34th Street de George Seaton (1947).

En autant que vous me permettrez de bailler en vous écoutant.

P.-S. : Paraît que quiconque ne suit pas les enseignements de Jésus-Christ va invariablement se retrouver en enfer... Sauf la plupart des Chinois qui n'en ont jamais entendu parler, ni ceux d'innombrables tribus en Afrique, ni les habitants des deux Amériques avant la «conquête». - Question : pourquoi insistons-nous ou avons-nous insisté pour leur faire connaître ?

*

Deux zéro, deux zéro - vingt, vingt : 2020

Puisqu'il faut débuter l'année, autant y aller avec une de mes chroniques habituelles. Et puis pour que ça soit nouveau - un peu -, j'ai pensé à vous écrire une lettre :

   Chers lecteur et chères lectrices, 

Je ne sais pas quel métier vous pratiquez, à quelle profession vous appartenez, ni où, ni pour qui vous travaillez ou si vous êtes un ou une employé(e) autonome. Je sais une chose : 

Quelle que soit votre occupation rémunératrice (ou non), tous les gens que vous allez rencontrer au cours de votre carrière, particulièrement autour d'une table et invariablement dans les endroits où l'on sert des boissons distillées et des boissons fermentées, en sauront plus sur votre métier, votre profession, votre travail et, la plupart du temps, sur votre passe-temps - plus entwéka - que vous que vous pourrez en apprendre au cours de votre vie.

Vous êtes facteur ? Madame Tartempion de Saint-Éloigné-des-Chars, qui attend depuis une semaine un colis des États, pourra vous expliquer en long et en large pourquoi elle ne l'a pas encore reçu. Elle le sait parce que la même chose est arrivée il y a deux ans à son beauf', qui habite le 3e rang.

Vous êtes expert dans le règlement des demandes d'indemnité que l'on présente à ses assureurs après un accident d'automobile ? Oubliez ce que vous avez appris en dix, vingt, trente ans de métier : votre deuxième voisin qui en est à sa troisième demande (et conséquemment à son troisième accident), vous expliquera comment procéder et la façon dont les assureurs s'acquittent de leurs obligations.

Vous êtes bibliothécaire ? Alors, vous ne connaissez rien dans l'art et la manière de classer des livres. Le lecteur le moindrement sérieux vous dira que le système Dewey et celui du Library of Congress sont des aberrations et que classer des films par leurs comédiens est plus intelligent que les classer par titres ou réalisateurs ; que les livres devraient être classés par titres ou auteurs et rien d'autres, etc. - À la rigueur, restera-t-il perplexe lorsqu'il apprendra qu'être bibliothécaire implique d'autres tâches comme celle de la gestion d'un endroit où se trouvent les livres qui vous sont confiés ou d'aménager des installations, de gérer du personnel, d'être au courant des derniers développement technologiques...

Vous êtes plombier, menuisier, électricien, couvreur ? Rien de tel qu'un architecte pour vous expliquer la façon dont vous devez exercer votre métier.

Et dites-vous qu'un politicien en saura toujours plus sur le fonctionnement d'un barrage hydro-électrique, sur la météo, sur les ponts, les routes, la pauvreté, le crime... que tous les ingénieurs, tous les météorologues et tous les spécialistes en gestion urbaine.


Experts

Quant aux avocats, qui mieux qu'eux pourront vous représenter devant un impartial juge à propos de... n'importe quoi... (y compris l'art de distribuer des disques, la gestion d'un entrepôt, les réseaux informatiques, la microscopie et la chirurgie dentaire...)

C'est la conclusion à laquelle j'en arrive, après des années d'un métier, quand on m'explique comment les choses se sont passées - et continuent de se passer - dans le domaine où j'ai oeuvré toute ma vie et sur la nature duquel je n'ai visiblement rien appris ni compris quoi que ce soit.

Mon père avait raison :

Après un certain âge, vaut mieux faire semblant de radoter. Comme ça, les gens cessent de vous embêter avec leurs conversations.

Mieux encore :

Le Professeur a toujours été d'une grande sagesse de s'entourer de jeunes. «Savent tout, disait-il. Cela m'a évité des heures et des heures de travail quand je cherchais la solution à un problème.» (1)

Et en terminant :

Moi, vous souhaitez une bonne année. ? - Nah ! - Je vous souhaite. mais sincèrement. tout ce que vous méritez et cela au cours des prochains 365 jours. Mais ne venez pas me remercier ou vous plaindre : j'y serai pour rien.

Appelez ça un pieux souhait.

Simon

(1) Au jeune qui me regardait drôlement l'autre jour : «Non. Remonter ses pantalons ou sa jupe au delà d'une certaine limite, quand on a dépassé un certain âge, n'a rien à voir avec les vêtements que l'on portait quand on était plus jeune, ni une certaine mode datant de vingt, trente, quarante ans : c'est une question qu'avec le temps, son corps se transforme, Et il devient disgracieux d'exposer certaines déformations C'est la seule solution qu'on a trouvée depuis la disparition ou presque des corsets.»

      Herméningilde Pérec


En contre-partie

Je viens de lire la chronique que Simon a écrit sur Noël et le Jour de l'An. En fait, je l'ai lue le mois dernier et ai fait partie de ceux qui ont suggéré à la Direction de la rapporter à la présente édition du Castor™. Non pas qu'elle m'est paru injuste, inappropriée et même condescendante (et je ne veux certes pas dire arrogante)... vis-à-vis les croyants de mon espèce. Non. Juste qu'elle oubliait qu'à une certain moment de chaque année, il est bon de s'arrêter un peu, d'oublier ses soucis et de se réunir en famille, ou avec ses amis, ne serait-ce que pour renouer des liens que la vie moderne rend de plus en plus, ténus. 

Je n'ai pas cent ans. Enfin pas encore. On m'a élevé avec des intentions on-ne peut-plus pures, j'en suis certain ; et, oui, je me suis posé des questions sur les croyances qu'on m'a inculquées. Souventes fois. Et je m'en pose encore.

«Et la science ? Vous n'y pensez pas de temps à autres ?» me demanderez-vous.

Continuellement.

Sachez que dans le peu de temps, toutes proportions gardées, que j'ai passé sur cette terre, beaucoup de découvertes ont été faites. Et comme tout le monde, ces découvertes, je l'ai ai apprises que lorsqu'elles sont parvenues des mois, des années même, après qu'elles furent publiées ou annoncées.. - La relativité, par exemple, vous croyez qu'on enseignait ça du temps où je faisais mes études ? Pas du tout. Pas même l'effet Dopler qui a permis à découvrir les distances interstellaires. Du temps de ma jeunesse, la télévision, par exemple, n'existait tout simplement pas. Et les conversations téléphoniques entre Napierville, Paris, Londres, Berlin... là d'où elles provenaient... coûtaient les yeux de la tête.

Depuis, on a marché sur la lune, on a mis des satellites en orbite capables de me dire où je suis à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit et m'indiquer le chemin pour me rendre à l'endroit où je veux aller. J'ai même un ordinateur qui me permet de savoir ce qui se passe dans le monde à trois secondes près.

Est-ce que je suis au courant des futurs ordinateurs ? Des possibilités de l'Intelligence Artificielle ? de ce qu'est le G-5 ? Et voilà que dernièrement, on m'a parlé du boson de Higgs...

Un peu, mais pas plus.

Ma petite tête ne peut pas, n'a pas été construite pour comprendre à la fois la théologie dogmatique et la microparacontidropopitécologie. 

Mes excuses, Monsieur Popp.

H. Pérec


Le boson d'Higgs


       Copernique Marshall


Dernière minute

S'il y en a qui - je nommerai personne - ont eu des «jours de congé» et «se sont sauvés» durant la période des Fêtes, ce ne fut pas mon cas. Cocktail ici, soirée là, petit déjeuner avec les enfants, déjeuners avec les collègues, cinq à sept (chez certains, je suis passé cinq à sept minutes). Je ne veux même pas penser aux déplacements, aux courses à faire et aux gens à qui il fallait absolument téléphoner.

Un changement radical cette année. Ça a commencé, comme aurait dit Céline, graduellement, mais cette année, pas la moindre carte de bon souhait. Des courriels en triple, mais pas de bouts de carton pliés en quatre. Pas de poésie à lire. Rien.

Quelques poètes réduits au chômage.

Je vous en souhaite toute une en retournant à mes sherlockiennes activités. (Voir la section plus loin.)

Copernique

       Jeff Bollinger


Educationnement

Entre Noël et le Jour de l'An, croyez-le ou non, nous avons eu, Élyane et moi, deux jours de presque répits. Nos enfants ont, pendant ces deux jours passé leurs journées chez les parents d'Élyanne qui ont un chalet dans les Laurentides. Sauf Alysée qui, à dix-huit ans,  nous a demandé la permission de passer le week-end avec les parents de son petit ami... des avocats qui habitent en banlieue de la ville de Québec.

Oui, je sais, ce n'est pas de cette façon-là que nous pourront surveiller tout ce qu'ils font ou  feront, mais, à un moment donné, il est une chose qu'il faut donner à ses enfants et c'est la liberté d'être eux-mêmes. Après tout, nous ne seront pas là éternellement pour prévenir un mauvais pas qu'ils pourront faire à trente, quarante, cinquante ans.

N'en reste pas moins que nous nous devons quand même nous assurer qu'ils sauront discerner ce qui sera éventuellement bon ou mauvais pour  leur avenir et, même si ce n'est pas la première fois que nous en avons parlé, ce qui fut un objet des discussions que nous avons eues lors de ces deux jours de «congé» :

*

Vingt ans.

Ce n'est pas long, vingt ans. C'est demain.

La nouvelle année aura pour nom, cette année-là, deux mil quarante.

Élyanne et moi en seront à notre soixante-deuxième anniversaire. Élysée en sera à sa 38e année. Matisse, notre plus jeune, aura 34 ans. - Trente-quatre ans ! - Nous n'avions pas cette âge-là quand elle est venue au monde...

Bon, nous n'en serons pas encore à l'ultime vieillesse, mais si je regarde qui nous étions il y a vingt ans et ce qui s'est passé depuis, comment essayer même de penser à ce que sera l'an 2040 ?

Nous pouvons quand même penser à ne pas nous acheter un terrain en Floride ou à croire que notre voiture à essence ne sera plus là et que les centres commerciaux seront peut-être choses du passé. Quant au cinéma, aux livres, aux émissions de télévision que   nous regardons présentement sur un écran plat qui fut désuet dans la semaine qui a suivi celle où il entré dans la maison...

Mon père me disait qu'élever des enfants ne consistait pas à leur pousser dans le dos ni à les attirer de force dans une direction,  mais à les ramener une fois de temps en temps -  d'un léger revers de la main - vers la droite quand ils se dirigent trop vers la gauche et vers la gauche quand ils se dirigent trop vers la droite...

Jeff

   Georges Gauvin


Bref moment

A un moment donné - on m'a expliqué -, bien avant qu'on sache que les ulcères d'estomac étaient causés par une bactérie et non une certaine tension nerveuse, - qu'il y avait deux périodes dans l'année où les symptômes reliés à ces ulcères se manifestaient : au printemps et à l'automne. Au printemps parce qu'on avait besoin de vacances et à l'automne, parce qu'il fallait les payer. - C'est un peu ce que je suis en train de penser au moment où j'écris ces lignes, le surlendemain du Jour de l'An : comment vais-je m'y prendre pour rembourser les dépenses que j'ai faites en décembre au moyen de ma carte de crédit. Celle aux taux usuriers (ou usuraires ?)

(Je ne sais pas si ce que je viens de dire à propos des ulcères - qu'on les guérit aujourd'hui en moins de deux, trois semaines ; au moyen d'anti-biotiques - est vrai ou non mais ça a fonctionné chez mon père qui, depuis ce temps, se méfie, en ayant consommé des anti-acides pendant des années... de tous les médecins.)

Toujours la même chose, non ?

On s'est dit «Pourquoi pas ?» en pensant aux cadeaux pour le p'tit, «Ça arrive juste une fois par année...» - Puis ça a été la robe hors prix, le vin, l'épicerie, la sortie avec ses chums de fille... après, parce que c'est venu avant, les pneus d'hiver, le manteau, les bottes...

C'est un peu concentrer un certain bonheur en une, deux, trois semaines, pour ne plus en avoir pendant un mois ou deux, vous trouvez pas ?

Georges

        Fawzi Malhasti


Morceau choisi

Busted flat in Baton Rouge, headin' for the train
Feelin' near as faded as my jeans
Bobby flagged a diesel down, just before it rained
'Took us all the way to New Orleans

I pulled my harpoon out of my dirty red bandanna
And was blowin' soft while Bobby sang the blues,
Windshield wipers slappin' time and Bobby clapping hands
We finally sang every song that driver knew

Freedom's just another word for nothin' left to lose
Nothin' ain't worth nothin' but it's free
Feelin' good was easy, when Bobby sang the blues
Feelin' good was good enough for me
Good enough for me and  Bobby McGee

From the coal mines of Kentucky to the California sun
Bobby shared the secrets of my soul
Standin' right besides me through everything I've done
Every nite, she kept me from the cold

Then somehwere near Selinna, I let her slip away
Looking for the home I hope she'll find
And I'd trade all my tomorrows for a single yesterday
Holding Bobby's body next to mine

Freedom's  just another word for nothin' left to lose
Nothin's nothing but that's what she left for me
Feelin' good was easy, but that was good enough for me
For me and Bobby McGee

(Me and Bobby McGee - Kris Kristofferson)

Fawzi

         De notre disc jockey - Paul Dubé


Minuit ...

Vous avez raison, Monsieur Popp, ce n'est pas «Minuit chrétien», mais bien «Minuit, chrétiens» !

Ça fait des années que je le répète, mais on ne m'écoute pas. Ce qui fait de moi un expert dans une des catégories dont vous parlez.

Cette année, j'avais pensé, durant tout le mois de décembre à faire jouer chez moi, au bureau, à la radio, des géniales chansons des années cinquante, soixante, soixante-et-dix... jusqu'à l'an deux mil. Des «hits» qu'on faisait jouer trente fois par jour sur toutes les chaînes de radio.

Elvis, Les Beatles, les Four Seasons, Les Four Tops, Crosby, Stills, Nash and Young et même des succès de Mariah Carey. - Côté français, j'avais même pensé à Gainsbourg

On s'est plaint.

Tino et «Petit papa noël» ? - vous voulez rire ou quoi ?

C'est à peine si j'ai eu le loisir d'entendre le début de l'Oratorio de Noël de Bach le matin même, de Noël.

Mais des chansons sans lendemain, alors là, j'en ai entendues. «Une, pis une autre» comme on disait dans l'une d'entre elles.

À vous tous, fidèles lecteurs et écouteurs, bonne écoute.

En silence, s.v.p.

paul

Lectures

Note :

Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.

Romans policiers 3 - Sherlock Holmes

Note : Tel que mentionné le mois dernier, ces commentaires sur les romans policiers  ne se veulent pas être des sections d'un futur essai ni une critique de quelques uns d'entre eux, mais tout simplement une suite d'idées qui me sont récemment venues en tête lors du visionnement récent de certains films américains de la série dite noire des années quarante, celle dite de l'âge d'or des films de ce genre. Et vos commentaires sont bienvenus.

   Le personnage qu'est Sherlock Holmes

«When you have eliminated the impossible whatever remains, however improbable, must be the truth.»

Une fois éliminées toutes les impossibilités, l’hypothèse restante, aussi improbable qu’elle soit, doit être la bonne.»)

          (Arthur Conan Doyle - Le signe des quatre, chap. VI)

Ce n'est pas le fait que le personnage de Sherlock Holmes est paru pour la première fois il y a 132 ans (le mois dernier, tiens !) qui est surprenant, c'est qu'il demeure aujourd'hui, encore et toujours le plus connu des détectives, amateurs ou non, des romans de policiers, toutes périodes et toutes provenance confondues.

Beaucoup d'autres sont venus depuis lui : Sam Spade, Philip Marlowe, Mick Hammer, Hercule Poirot, Jules Maigret, Miss Marple... pour n'en nommer que les plus célèbres, mais aucun n'a atteint la notoriété de celui dont l'inexistante adresse demeure un des endroits les plus «visitées» à Londres : le 221b Baker Street.

Pour les rares qui n'ont jamais entendu parler de Sherlock Holmes :

Sherlock Holmes est un personnage de fiction créé par Sir Arthur Conan Doyle dans le roman policier Une étude en rouge en 1887.

Revendiquant la fonction particulière de « détective consultant », doté d'une mémoire remarquable pour tout ce qui peut l'aider à résoudre des crimes en général, il possède cependant très peu de savoirs dans les domaines de la connaissance qu'il estime inutiles à son travail. Lors de ses enquêtes, relatées dans les quatre romans et les cinquante-six nouvelles qui forment ce qu'on appelle le canon, Holmes est fréquemment accompagné du docteur Watson.

Personnage très « typé », Sherlock Holmes est devenu l'archétype du « détective privé » pour des générations d'auteurs populaires de roman policier éclipsant ses ancêtres historiques que furent le Chevalier Auguste Dupin d'Edgar Allan Poe et Monsieur Lecoq d'Émile Gaboriau, personnages auxquels Arthur Conan Doyle fait référence dans son œuvre.

(Wikipédia)

Fait à noter : Sherlock Holmes est un des rares personnages fictifs de la littérature qui, avec Don Quichotte, Tarzan et quelques autres sont considérés comme ayant réellement vécu.

Je ne me souviens plus du nombre de fois j'ai lu, en anglais et en français, les cinquante-six contes et quatre nouvelles ou romans de son canon. - Je ne me souviens pas non plus du nombre de fois que j'ai visionné des films tirés de ces contes ou nouvelles. 

J'avais treize ou quatorze ans quand j'ai lu mon premier Sherlock. C'était après avoir lu tout les Biggles qui se trouvaient dans la bibliothèque de mon père - à côté des Jules Verne, des quatorze volumes de l'Encylopédie de la Jeunesse (Grolier) et d'une série de romans de la Comtesse de Ségur dont, pour cette dernière,  je n'en ai lu qu'un seul : Les malheurs de Sophie ; dans une édition de luxe, bien avant qu'on m'eut dit que cette «Comtesse» n'écrivait des livres que pour les «petites filles»... - . Qu'est-il arrivé à tous ces livres ? Je n'ai aucune idée. Mon père dit les avoir donné au fil des ans à des organisateurs de ventes de charité. - Quel plaisir j'aurais, aujourd'hui, à les tenir dans mes mains, à les palper et qui sait, à en relire de longs extraits.

Ce premier Sherlock, le seul que nous avions à la maison, était, tout-à-fait par hasard, le premier en date écrit et publié par Conan Doyle en 1887. Celui cité ci-dessus :  Une étude en rouge ou A study in Scarlet. - Et si ma mémoire est exacte, c'était un fac-similé de sa première édition, avec les illustrations de David Henry Friston dans lesquels Sherlock n'apparaissaient pas, comme il a si souvent été incarné par la suite, sur scène et au cinéma, avec son fameux «dearstalker» ou «chapeau de traqueur», son manteau-cape «Inverness» et sa pipe «calabash». Non : ces accessoires sont venus après, avec les dessins de son deuxième illustrateur, Sidney Paget (1891), qu'ont rendu célèbres en les empruntant :William Gillette, Basil Rathbone, Ellie Norwood, Arthur Wontner, Ronald Howard, Geoffrey Whitehead, Peter Cushing,  Christopher Lee et même Roger Moore.


Basil Rathbone en Sherlock

Je vous raconte tout cela pour vous dire que je crois être le seul de ma génération qui s'est imaginé  Sherlock Holmes tel que décrit par Conan Doyle et non ce personnage non illustré dans les éditions de l'époque et surtout tel que  nous l'avait représenté pendant des années le cinéma et que la télévision l'avait visuellement repris. 

Le mien .tait, loin d'être aussi calme et énergétique que le Basil Rathbone des années quarante, par exemple. 

C'était, pour moi, toujours un hyper nerveux, impatient, souvent dépressif, aux réactions souvent imprévisibles et dont le comportement manifestait régulièrement des traits de caractères presque maniaques. Un génie, quoi. 

Tout çca alors que le Sherlock de Rathbone, quoique sympathique, n'était un être  superficiel quoique très intelligent et sûr de lui... comparé, il faut le dire, à son compagnon, le Docteur John Watson, incarné par par Nigel Bruce dans les 14 films qu'ils ont tournés ensemble où Watson n'a eu qu'un rôle de faire-valoir. Celui d'un idiot la plupart du temps maladroit. 

À ce propos, il faut souligner que des deux, Rathbone et Bruce, dans les Sherlock qu'ils ont tournés ensemble, Watson est un être fort intéressant au niveau cinématographique, par rapport aux clichés de Rathbone. Le mot anglais le plus près que j'ai trouvé pour le décrire est celui de «vernacular» qui correspond à son homonyme français, «vernaculaire», dont la signification originelle, dans les deux langues, est «relatif à un oncle», mais qui en anglais, en est venu à décrire un oncle plutôt gentil, jovial et ...indulgent que Nigel Bruce joua à la perfection. 

Pour ce qui est de Sherlock, même dans la version de Rathbone, la langue anglaise a un mot pour décrire une certaine habilité à découvrir rapidement la solution d'un problème, la raison ou la cause d'un événement, l'explication d'une série de faits à première vue incompréhensibles. - Ce en quoi excelle Sherlock. - Ce mot est «cleverness» d'où l'adjectif «clever» qu'on traduit généralement par «intelligent», mais dont cette traduction ne met pas en valeur pas sa signification réelle qui découle de son origine néerlandaise «to cleave» utilisé pour décrire comment on se trace un chemin à travers [quelque chose] comme on le fait dans la jungle avec un machette.

(Il faut noter par ailleurs que le mot «cleaver» est celui, en anglais, qu'on utilise encore de nos jours pour désigner ce que, en français, on appelle un «couperet», cet outil  tranchant et à large, plutôt que longue lame, utilisé en boucherie, notamment pour fendre ou couper des os.)

*

Je reviendrai plus tard sur les Sam Spade, Philip Marlowe, Mick Hammer et autres qui font partie de la littérature policière, mais je ne saurai vous quitter aujourd'hui sans insister sur le fait que si Sherlock Holmes est toujours là, après plus de cente trente ans - bientôt cent quarante -, c'est qu'il est dans une classe à part. La preuve est que, malgré les différentes interprétations qu'on en a fait, il est demeuré un personnage avec qui des lecteurs en tous genres en ont fait un seul et unique au même titre que - nous l'avons mentionné tout-à-l'heure - Don Quichote dont on peut rire, qu'on peut prendre en pitié ou admirer pour son courage, mais qui demeure toujours le même.

Pour ce qui est de son créateur, je crois qu'on peut, sans se tromper, affirmer que le style de Conan Doyle est égal à celui des romanciers de son époque.

Quant à son personnage, qu'on l'ait représenté. sur scène ou au cinéma en un méticuleux excentrique, en une sorte de génie un peu fou, en maniaco-dépressif ou tout simplement en raisonneur ignorant ses talents, c'est quelqu'un qui demeure toujours accessible intéressant, fascinant. Et il rend tous eux qui le connaissent plus intelligents.

On peut ainsi, sans jamais s'éloigner de la vérité :

  • admirer le talent de raconteur qu'a possédé Arhur Conan Doyle

  • trouver fort bien tournées les prestations que Basil Rathbone et Nigel Bruce ont fait des «aventures» de Sherlock

  • ne jurer que par l'interprétation qu'en a fait Jeremy Brett à la télévision (la plus près, à mon avis, du Sherlock tel que décrit par Doyle)

  • ou même admirer ce que Stephen Moffat, Mark Gatiss, Benedict Cumberbatch et Martin Freeman ont pu créer au cours de la plus récente série à la télévision.


Benedict Cumberbatch et Martin Freeman

 

Mon opinion ? Lisez et regarder ce que Jeremy Brett en a tiré.


Jeremy Brett

Copernique

***

Agent Running in the Field
John Le Carré - Penguin-Random House, Oct. 2019

J'avais beaucoup d'autres livres à lire (dont le dernier Goncourt, un livre de nouvelles de Gérard Bessette et même des contes de Dashiell Hammet...), mais je n'ai pas pu résister à tout laisser tomber et me suis lancé corps et âme dans ce dernier roman de Le Carré à propos duquel le New York Times  disait :

«[Le Carré’s] novels are so brilliant because they’re emotionally and psychologically absolutely true, but of course they’re novels.»

«Les romans de Le Carré sont brillants parce qu'ils contiennent des vérités émotionnelles et psychologiques fondamentalement réalistes, sauf que ce sont des romans...»

Le problème, c'est que je ne peux pas lire Le Carré de la même façon que je lis à peu près tous les livres qu'on me suggère ou qui attire momentanément mon attention. Avec lui, c'est mot-à-mot que je parcours chaque ligne de tout ce qu'il écrit, m'arrêtant fréquemment sur une expression qui semble courante, ancienne même, sauf que je sais qu'elle est une des toutes dernières de cet admirable écrivain qu'est Le Carré.

Comme il le dit lui-même le Carré n'écrit pas des «romans d'espionnage». En fait, dit-il, malgré le temps qu'il a passé chez le MI5 et le MI6, il connaît très peu le véritable monde des espions et du contre-espionnage n'y ayant été qu'un pion dans un rouage dont il n'a jamais connu le véritable fonctionnement : «On pense généralement que je connais toutes sortes de secrets que je dévoile plus ou moins dans mes romans, mais c'est faux. Je me sers uniquement du fait que le monde des espions est peu connus pour introduire des personnages dans des situations dans lesquelles ils ne savent pas précisément leurs rôles pour, justement, exprimer le désarroi dans lequel chaque être humain doit apprendre à vivre

Dans ce dernier roman, Nat, âgé de 47 ans, est un espion en phase déclinante à qui l'on confie un poste sans importance mais, enfin, au grand plaisir de sa femme, à Londres, en Angleterre. Champion de badminton, il est approché par un homme, Ed, d'à peu près la moitié de son âge et de là, ses secrets et les secrets de Ed finissent par s'entremêler.

Pas le meilleur roman de Le Carré - son apogée il l'a eu avec la trilogie impliquant Georges Smiley -, mais plus captivant que sa «Jeune fille au tambour». Sauf qu'un mauvais roman de Le Carré est toujours plus intéressant qu'un bon roman de bien des auteurs.

Et c'est un roman où l'on entend parler du Brexit de Trump, de Poutine...

Simon

 ***

Plan de lecture

Notre ami... Mon ami qui habite en face du parc Lafontaine m'a écrit récemment pour me rappeler que je lui reprochais souvent (sic) de ne pas avoir de «plan de lecture» me faisant remarquer qu'il en avait [quand même] un : celui d'un lecteur «impulsif dont le parcours de ses lectures est fondamentalement lié à ses expériences de vie» et pour qui «lire [ne constituait pas uniquement en ce] que ce qui était lisible, promulgué et encensé par les parangons patentés de la critique [car cela] ne faisait pas partie de ses attraits...» (etc.) 

(En espérant l'avoir cité correctement.)

Je lui ai répondu, comme il m'arrive trop fréquemment, à la hâte,  qu'il ne fallait pas absolument avoir un plan pour lire, mais qu'un plan contribuait à rendre la lecture plus agréable en évitant les livres sans intérêt ; qu'en suivant les conseils de ceux qui nous ont précédés, il nous était plus facile de découvrir les grands auteurs, etc., etc. -  Tous les poncifs du genre, quoi.

Depuis, j'ai eu le temps de réfléchir et de surtout constater que je serais bien embêté si j'avais à préparer une liste de livres à lire pour quelqu'un qui, par exemple, ne saurait rien de la littérature, je ne dis pas «en général», mais de la littérature française, par exemple, ou anglaise, ou latine... - Oh, ce serait facile de dire Rabelais, Villon, Racine, Voltaire, Balzac, Proust... ou encore Shakespeare, Byron, Dickens, Conan Doyle, Hemingway... Mais serait-ce là quelque chose de sensé ?

Simon

***

Et puis...

Nous avons pris une grave décision récemment, Copernique et celui qui écrit ces lignes :

...celle de ne plus dire que nous n'avons pas lu et que nous n'avons pas l'intention de lire des livres écrits après 1950
(1960, dans le cas de Copernique)

Nous en avons trop lus pour que cela ait même un soupçon de vérité. 

Ce que nous allons dorénavant dire c'est que nous n'en avons pas assez lus pour être en mesure de formuler une opinion sur la littérature de la fin du XXe siècle. Littérature en italique, oui, car :

 Quoique... les livres publiés de 1950 et 1970 ont déjà entre cinquante et soixante-dix ans et que même les derniers publiés avant le début de ce siècle auront vingt ans... dans moins d'un mois... il en existe trop qui ont cent ans, deux cents, trois cents et plusieurs siècles qui méritent une lecture plus approfondis que les derniers «meilleurs vendeurs».

Personnellement, je suis très content de ne pas m'être attardé à Jean-Paul Sartre ou même Camus dans les années cinquante et soixante... - Copernique dit la même chose des incontournables livres de science-fiction des années soixante-dix et même des Goncourt de l'époque.

Simon (et Copernique)

L'extrait du mois


Cardinal

Le visiteur qui, de 1850 à 1864, entrait dans l’ancien parlement de Québec, était sûr de rencontrer, soit dans un couloir, soit dans un autre, un petit homme, vif, allègre, grisonnant, un peu chauve, toujours découvert, attentif, d’une politesse exquise, l’air  d’un homme qui fait les honneurs de chez soi.
      Et si ce visiteur, encouragé par l’allure avenante et accorte du petit homme, lui eût demandé où se trouvait le bureau de monsieur le greffier, il n’eût pas manqué de recevoir la réponse suivante :
    – Monsieur, procédez tout droit devant vous, puis courbaturez à gauche, et frappez à la porte proxime.  Monsieur le greffier siège en ce moment dans ses indépendances privées.
    Pas moyen de s’y méprendre, on avait affaire à Cardinal, ou plutôt à Monsieur Cardinal, le chef des huissiers du parlement, le messager en chef, pour me servir de l’expression reçue.

Son nom était Leroux dit Cardinal.
    Il avait commencé par être typographe au service de MM. Carey et Nelson, de la Gazette de Québec, puis il avait habité Montréal durant quelque temps. 
    Enfin, protégé par je ne sais quelles influences, il avait trouvé sa case dans le service civil. 
    Dire que Cardinal était un type, ce ne serait pas assez ; c’était presque un monument.
    Il faisait comme partie intégrante du palais législatif  lui-même.
    Il s’était incorporé corps et âme dans l’organisme politique du pays.
    C’était comme un rouage de la constitution.
    On ne se figurait pas le parlement sans Cardinal.
    Et quand, en 1874, le gouvernement Mackenzie mit, sur sa propre demande, le vieux serviteur à la retraite, cela parut être une mesure dangereusement radicale.
    L’événement fit presque autant de bruit que le coup d’État Letellier.
    Aussi Cardinal sentait-il son importance, et ne se faisait-il point illusion sur le rôle prédominant qu’il jouait.


Parlementhe

Comme cette bonne servante de presbytère qui disait d’abord : «La vache à M. le curé» ; puis : «Notre vache» ; et enfin : «Ma vache !» il s’était, petit à petit, persuadé que le parlement lui appartenait.
    Ce n’était pas M. Cardinal qui était attaché au parlement, c’était le parlement qui était attaché à M. Cardinal.
    Il l’avait sous sa tutelle, presque dans ses papiers.
    Il s’y sentait chez lui, comme un homard dans sa carapace.
    Les officiels respiraient sous sa protection.
    Il considérait les députés comme ses commensaux.
    Le public des galeries semblait ses invités.
    On aurait dit que c’était lui qui distribuait les rhumatismes aux conseillers législatifs.
    Mais il était toujours si poli, si accueillant, si empressé ; il se mettait si volontiers au service de tout le monde, que tout le monde l’aimait.
    
Les ministres même encourageaient sa douce manie par des déférences excessives qui le transportaient dans un monde de ravissement.
    Ils allaient quelquefois jusqu’à le consulter.
    - Eh bien, monsieur Cardinal, lui disait-on, que pensez-vous de l’état politique du moment ? Quel est votre avis sur la situation ?
    – Ma foi, monsieur le ministre, répondait-il, je crois le gouvernement bien corroboré,  mais, sans vous offenser, l’opposition est bien contiguë.
    – Croyez-vous que la session soit longue ?
    – Dame, c’est très péripathétique à dire, avant l’approximativité des estimés.
    
Il n’en faut pas plus long pour le faire constater, en outre de l’intérêt extraordinaire qu’il prenait aux mouvements de la chose publique, Cardinal avait un autre trait de caractère assez piquant.
    C’était une habitude, un besoin irrépressible de faire des phrases solennelles et de rechercher des expressions peu usitées.
    Les mots ordinaires lui semblaient vulgaires – peu polis peut-être.

    Quand il ne connaissait point de terme plus noble pour rendre sa pensée, quand la périphrase euphémique ne se présentait pas tout de suite à son esprit, il ne manquait jamais d’ajouter un correctif : «Je dirai comme on dit quelquefois», ou bien encore : «pour parler communément», etc.
    Il ne se serait pas permis de dire une pomme tout court.
    Il commençait par : «un fruit...» et, après un moment d’hésitation, il ajoutait : «enfin, ce qu’on appelle ordinairement une pomme
    Pour ne pas se servir du mot compter, il disait :
    – Il est des individus qui ne savent pas énumérer jusqu’à trois.
    Tout naturellement, le vocabulaire s’embrouillait dans son esprit, et il en résultait des confusions de mots absolument renversantes.
    J’en ai noté des masses.

    – Il faudra ravitailler cette chaise, disait-il ; elle est en frais de s’épanouir.
    Il disait aussi :
    – Quand je me suis établi, je n’étais pas riche ; j’ai fait un mariage d’inclinaison.
    Ou bien encore :
     – Le printemps n’est pas tardigrade, cette année ; les arbres commencent déjà à badigeonner.
    Une fois, il me fit la remarque que sa chatte était très volatile ; qu’il l’avait surprise à  détériorer un rossignol.
    – Le bal est commencé, messieurs, nous disait-il, un soir que Mme Anglin, la femme du Speaker, nous donnait une sauterie ; il y a déjà une valse qui périclite.
    Souvent il criait à ses messagers :
    – Allons, vite ! il est sept heures, enluminez les salles.
    – Les jésuites sont d’excellents prédicateurs, aimait-il à dire quelquefois ; mais je crois les oblats encore plus forts sur la diatribe chrétienne.
    Une fois qu’on lui annonçait que deux navires s’étaient heurtés en mer : 
    – La coalition a dû être terrible, fit-il avec gravité.
    Je l’ai entendu dire : 
    – La saison est rigoriste ; la subsistance devient de plus en plus plantureuse.
    Et encore :
    – Je ne me sens pas bien aujourd’hui ; j’aurais besoin d’une légère purification.
    Et encore, s’adressant à ses subalternes :
    – Allez me désagréger ces rideaux !
    – La longanimité des employés publics augmente toujours, remarquait-il souvent ; si on les laissait faire, ils n’arriveraient qu’à la onzième heure, comme dans la faribole de l’Évangile.
    Il parlait de testament olographe, de vente par sollicitation, d’allocution des deniers publics, d’injonction de morfil. Et ainsi de suite.
    
Un de ses plus beaux succès, à mon avis, c’est la phrase suivante :
    – Je n’approuve pas qu’on incruste les enfants au collège jusqu’à l’âge de vingt ans, pour les extravaser de grec et de latin.
    – M. Blake a-t-il fait un discours ce soir ? lui demande quelqu’un.
    – Non, monsieur, répond-il, un tout petit épithalame seulement.

[...]

Texte de Louis Fréchette, tiré de ses Originaux et détraquées - 1892.


Louis Fréchette
(1839-1908)

***

(À la suggestion de Simon Popp : en souvenir d'une de ses grandes tantes qui disait fréquemment : «Évidemment... Par conséquent fa-ta que ça se conçoit...», mais, précise-t-il, elle savait utiliser le plus-que-parfait du subjonctif comme nulle autre.)

***

Pour la suite de ce texte et en lire les douze chapitres, consulter le site suivant :

https://beq.ebooksgratuits.com/pdf/Frechette-originaux.pdf

(Chapitre VIII)

Il y a dix ans dans le Castor


Note :

Les textes qui suivent - et les précédents - ne doivent pas être considérés comme de véritables critiques au sens de «jugements basés sur les mérites, défauts, qualités et imperfections» des livres, revues ou adaptations cinématographiques qui y sont mentionnés. Ils se veulent surtout être de commentaires, souvent sans rapport direct avec les oeuvres au sujet desquelles les chroniqueurs qui les signent désirent donner leurs opinions, opinions que n'endosse pas nécessairement la direction du Castor™ ni celle de l'Université de Napierville.

S

Jeff

Le courrier


M. Gérard «Sarto» Lefebvre, Kamouraska, Qc.

Il serait très surprenant qu'en utilisant un four à micro-ondes pour faire du café instantané qu'il soit prêt avant que vous le prépariez. Par contre, si vous déposez ce même four dans votre foyer (cheminée ou âtre), vous serez en mesure de passer toute une soirée en six minutes dix-sept secondes. 

Mme Ursula Steinbeck, Montpelier, Vermont

Création ou évolution ? - Aux dernières nouvelles, Darwin aurait été adopté...

Monsieur Jean Lenôtre, Paris XIVe

L'expression anglaise «Barking mad» peut être traduite de plusieurs façons, les deux plus courantes étant : «fou comme un chien enragé» et «fou au point d'être enfermé», cette dernière laissant sous-entendre un hôpital pour aliénés mentaux.

On peut s'imaginer dans le premier cas que le mot «barking» se réfère au verbe «to bark» ou «japper» (en parlant d'un chien) et, comme il est associé à la folie, il devient évident qu'il pourrait s'appliquer à une personne qui crie (ou «jappe») comme un chien atteint de la rage.

D'un autre côté - et cela on le constate lorsque l'expression est écrite et que le mot «Barking» y débute par un «B» majuscule -, qu'on se réfère à une personne ou un endroit nommé «Barking». Or, au Moyen-Âge, à 25 kilomètres (à peu près) au nord-est de Londres existait un hôpital - ou plutôt - un endroit où l'on enfermait les aliénés mentaux, près de l'endroit dit Barking.

À vous de choisir.

À cette expression, je préfère celle de «Mad as a hatter» que vous retrouverez dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carrol sous la forme d'un personnage du nom, justement, de «Mad Hatter» et dont ledit nom  aurait pour origine - alors là, tenez-vous bien -  du fait que les chapeliers (hatter), jusqu'au début du XIXe siècle, utilisaient couramment du mercure pour fabriquer leurs chapeaux dits «haut-de-forme» («top hat») et que cet usage faisait qu'à la longue ils finissaient par «trembler des mains et devenir agressifs», le tout causé par une certaine intoxication au métal qu'est le mercure. Cela, selon les plus éminents neurotoxicologues non seulement de l'époque, mais encore aujourd'hui..

Copernique Marshall 
(Ces informations sont tirées d'un de mes carnets de «Useless Knowledge».)

Mme Josée Marchand, Drumondville, Québec

Madame, merci pour votre message, mais nous tenons à vous rappeler que Trump a été élu démocratiquement. - Hitler également, à bien y penser...

 

Dédicace


Cette édition du Castor est dédiée à :

 

Lou Andreas Salomé
Femme de lettres germano-russe et l'une 
des premières femmes psychanalystes. 
Elle est aussi connue pour ses relations 
complexes et passionnées avec Nietzsche 
et Rilke, ainsi que pour sa rencontre 
importante avec Sigmund Freud 
qui changea le cours de sa vie.
(1861-1937)

 


Le mot de la fin


«Ce qui caractérise la pensée scientifique, c'est la capacité de concevoir ce qui est important, ce à quoi il vaut la peine qu'on consacre son temps et, surtout, qu'il s'agit d'un concept suffisamment intéressant, mais également difficile à résoudre, qui n'a pas encore été résolu, sauf que le temps est venu de s'y attaquer.»

- Savas Dimopoulos, professeur à l'université de Stanford.  

Autres sites à consulter 



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Webmestres : Paul Dubé et Jacques Marchioro


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