Volume XXVII, n° 12 Le seul hebdomadaire de la région publié une fois par mois Le lundi 7 août 2017
  (Et dont l'édition corrigée, destinée au marché américain, paraît vers le milieu du mois.)   


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Août : le mois de la lecture


Dans cette édition, mais pas dans l'ordre : 

Souvenirs, souvenirs, Herman Hesse, Amour, amour (quand tu nous tiens), Baudelaire, Une dame en bleu, Pantagruel, Bombardier (Denise), A. E. Housman, La française langue (au Québec), Proust et les objets de verre, Des gens à fusiller sur place (sans procès), Christopher Hitchens, La lecture et la mémoire, Trois extra-terrestres 

et 

Madame Gauvin.

 

Un bémol :

Nous avons dû retirer temporairement nos chroniques hors-texte sur Proust (de Copernique Marshall et Paul Dubé) à cause d'une confusion dans les fichiers à l'origine des textes publiés dans notre édition précédente, textes en partie composés de leurs premières versions. - Ces chroniques reviendront dans notre prochainbe édition avec plusieurs ajouts.

 

Pour le moment :

Bonne lecture !

 
Les chroniques précédentes de nos correspondants peuvent être consultées en cliquant sur ce lien .
 
      Simon Popp

Amour, amour, quand tu nous tiens...

Comment fait-on pour tomber amoureux à soixante-dix ans ? À soixante ans ? À cinquante ans ?

Je ne peux parler de ce qui m'arrive parce qu'il y a déjà longtemps, il me semble, que tomber en amour m'est arrivé. - Je me trompe peut-être, mais je suis de plus en plus convaincu que, passé un certain point dans une vie, on devient plus un être aimé qu'un être qui aime. De chasseur, on devient proie. - Non : je pense plus à un ami, à peine plus jeune que moi sur qui Cupidon vient de vider son carquois. Bref : il est devenu amoureux. - D'une femme plus jeune que lui, naturellement. 

Quelle âge a-t-elle ? - Trente ans ? - Difficile à dire. - Pas quarante ans, ça c'est  sûr. - M'a montré une photo. Je ne lui ai pas dit, mais, personnellement, je n'aurais pas fait des pieds et des mains (façcon de parle) pour rencontrer cette femme à qui la photo ne rendait pas justice. - Tout ça, naturellement, c'est une question de goût, de penchant naturel, d'attirance physique ou autre : les noirs aiment les blondes, les petits aiment les grosses, les athlètes aiment les intellectuelles et à la ligue que j'appartenais dans le temps elle n'aurait pas, j'en suis convaincu, appartenu à la ligue contraire. - Objectivement - j'ai perdu il y a longtemps mon objectivité dans ce domaine - je ne saurais vous le dire. - Et puis une photo, même excellente, ça ne veut rien dire.

Et le voilà, à se casser la tête, à lui écrire des messages sans fin où il lui exprime sa flamme dans des mots dont elle n'a dû remarquer que le nombre et se demander ce qui pouvait bien avoir suscité chez cet homme des pensées comme celles qu'il essayait de lui transmettre.

Arriva ce qui devait arriver et vous pouvez deviner la suite. «Tiens, qu'il s'est dit, je suis encore vivant [je vous épargne les détails], je suis encore capable d'aimer, alors allons-y et aimons... ailleurs ! »

Personnellement, je ne fais, depuis plusieurs mois, sinon années, que noter le  nombre de veuves, de femmes abandonnées, de celles qui n'ont jamais été séduites et ce nombre continue de m'étonner,  sauf que, par rapport aux hommes qui  recherchent encore «l'âme-soeur» après cinq ou six décennies... il me semble qu'il y en a plus.

Doit avoir un virus qui circule dans l'air ou serait-ce un dernier tour de piste avant la catastrophe qui s'en vient avec le réchauffement de la planète, ce que la terre peut produire en un an ou Trump ? - Qui sait ?- L'avenir ne me semble pas aussi prometteur qu'il l'était dans les années cinquante. Ou même soixante. - C'est ce genre de réflexions qui me semblent préoccuper beaucoup plus les hommes, disons, de mon âge, que tout le reste.


 
Laurent Marqueste - Cupidon
Musée_des_Augustins
Wikipedia Creative Commons

Retour sur le passé.

Si j'ai aimé ? Bien sûr. - Je n'étais pas fait de bois, chose que certaines altérations de mes cartilages m'ont fait réaliser depuis longtemps. - Combien de fois ? - Deux... trois... quatre fois peut-être... - Si ma mémoire est encore intacte. - Mettons deux si je n'ajoute pas à ces deux le fait que, pour me sentir encore «jeune» j'ai pu par la suite m'injecter une certaine attirance physique, morale ou intellectuelle envers quelqu'un d'autre pour apprendre très rapidement que ces  passions artificielles sont éphémères.

Il y a, qu'on le veuille ou non, un côté anecdotique à ces inénarrables rencontres amoureuses voulant qu'en entrant dans une pièce, un restaurant ou au cours d'une soirée, notre regard soit attiré vers quelqu'un dont, dans le sens contraire, le regard soit attiré vers soi. - Certains appellent ce genre de hasard, un coup de foudre. - Référence sans doute au fait que lorsqu'un violent orage débutait les hommes et les femmes des cavernes ne savaient plus ce qu'il leur arrivait et se blottissaient l'un dans les bras de l'autre. - Mon chat réagit de la même façon car il ne sait pas où donner de la tête lorsque le tonnerre se fait entendre dans l'espace relativement silencieux de mon appartement. Avec cette nuance qu'il ne se blottit pas dans mes bras : il se cache sous le divan.

J'ai fait partie, hélas, toute ma vie de ceux qui ne prenaient conscience des événements qui se produisaient autour d'eux que des heures après ces événements,  généralement un ou deux jours plus tard. Je ne peux donc pas commenter plus en avant ces désirs incompréhensibles qui se déclenchent brusquement.

Mais à soixante-dix ans ?

Je me souviens, une fois, avoir demandé à mon père, qui était alors octogénaire, quand «ces choses-là» s'arrêtaient. M'avait répondu : «Jamais !»

***

Souvenirs, souvenirs

Je n'arrive pas, depuis quelques jours à me débarrasser de l'image d'un jeune anglophone inintelligent à qui on enseignait à la banque où mes parents allaient régulièrement comment remplir un bordereau en m'imaginant, à l'époque que, parce qu'il était justement anglophone, il allait, un jour devenir le gérant de l'endroit.

Je n'arrive pas, non plus, à oublier, en Louisiane, au début des années soixante, les toilettes séparées pour les blancs et pour les noirs dans les rares restaurants où on acceptait les deux «races». - Ni trois rednecks, à Dallas, qui nous obstinaient un jour, un collègue et moi, que les États-Unis n'avaient jamais perdu une seule guerre.

Remarquez que j'ai un membre de ma famille qui est convaincue (au féminin) depuis au moins cinquante ans que si ça va mal au Québec, c'est à cause des immigrants qui nous volent nos jobs.

Mais, parlant de famille, j'ai eu un oncle qui a insisté toute sa vie pour diviser la population en quatre. - D'un côté les Canadiens (nous), les Anglais (les autres), les juifs (à détester) et les Pollocks qui, après un certains temps se sont scindés en deux groupes : les vrais Pollocks et les Italiens. - J'imagine qu'il n'avait jamais vu un noir, un asiatique, un peau-rouge (on les appelait comme ça à l'époque - et pire)... Faut dire qu'il n'y en avait pas dans son coin.

Quand, aujourd'hui, je vois, près de chez moi, des burqas, des jihabs, des nikabs,... vous savez à quoi je pense ? Aux omniprésentes soutanes qui hantent encore mon enfance.

Je pense également souvent depuis quelque temps à la remarque d'un standup comic américain qui a dit que le pape, avec sa mitre, ses soutanes, ses mules, ses bijoux et sa crosse, lui faisait penser au grand vizir des Ku-Klux-Klan.

***

Gens à fusiller sur place, sans procès :

Ceux qui vous dépassent sur les autoroutes et qui ralentissent dès qu'ils vous ont dépassés.

Les femmes au supermarché qui attendent à la toute fin pour ouvrir leur sac, en sortir un autre contenant un portemonnaie et qui cherchent leurs coupons de rabais..

Ceux qui, à huit heures du matin, devant la file de ceux qui sont venus acheter un café ou un paquet de cigarettes, achètent les billets de loto pour tout un groupe.

Ceux qui, stationnés en double, attendent que leur douce moitié ait fini de faire ses emplettes chez le boucher.

Simon

 

      Herméningilde Pérec


Nous écrire...

Encore une fois : oui, vous pouvez nous écrire. Nous rappeler que le mot «Dodridge» contient quatre «d» et non trois, qu'il ne faut pas confondre les mots «réflexions» et «réflections» et que les verbes après «si» n'ont pas de «r» (quoique si nous errons de ce côté...) - Nous écrire, oui, mais qu' après le 15 du mois car suite à la première édition du Castor™ (le premier lundi du mois), nos correcteurs sont à l'oeuvre. - Pourquoi donc ne pas publier le 15, auriez-vous le droit de nous demander.... C'est que tous nos chroniqueurs insistent pour que leurs écrits soient le plus près possible de la date de tombée. Ainsi, cette semaine, Jeff Bollinger nous parle d'un article paru dnas Le devoir au cours du weekend dernier.

Comme la plupart des écrits contenus dans toutes les éditions du Castor™ ont été soit dictés, soit dactylographiés (avec corrections manuelles), il arrive souvent qu'un mot manque ou soit indéchiffrable dans une phrase ou qu'un je s'étant transformé en nous, les accords n'aient pas été corrigés. - Il se peut également qu'une version d'un texte soit confondue avec une autre, comme nous venons de le mentionner en rapport avec nos textes sur Proust.

De tout cela, nous nous excusons.

Pour ceux que ce genre de lapsus (lapsi) peuvent incommoder, nous suggérons d'attendre à la mi-mois, le temps que tous les aspects de nos édtions aient été ajustés.

Herméningilde Pérec

 

       Copernique Marshall

Les mois passent et ne se ressemblent pas

Je ne sais pas comment ça m'est arrivé, mais j'ai l'impression de n'avoir rien fait, sauf lire, au cours des derniers deux mois.

Matter of fact, I don't know how Paul [Dubé] with whom I'm currently writing on Proust manages but he seems to be reading continuously, day after day, weeks after weeks, months after months. He's been perhaps doing for years, as far as I can see ; at a rate that would humble the most ardent book worshippers. He's into - what ? - three, four, five books a week ? All I know is, having travelled with him, he could be in the six or seven books category, like reading Joyce's Ulysses twice on a single cross-Atlantic flight.

Et ce qu'il lit par dessus le marché ! Ça va d'essais incompréhensibles sur les plus récentes découvertes en mathématique (je ne savais pas que ça pouvait exister !) aux plus obscurs écrivains des deux derniers siècles. - Si encore il ne s'en tenait qu'à ça, mais non : entre deux chroniques il a le temps de préparer des émissions de radio et écouter dix-huit heures de musique entre le moment où il se lève et midi où il en est à l'heure de l'apéro.

And the memory he has ! He's known to be able to quote the most useless statistics on anything ; like how much a loaf of bread used to cost in the late 90's - that's 1890's.

Sans lui, nos chroniques sur Proust n'existeraient pas. «C'est extraordinaire, me disait-il récemment. Suffit aujourd'hui, avec nos ordinateurs. de se rappeler deux ou trois mots pour retrouver n'importe quel passage d'À la recherche, non seulement au complet, mais dans son contexte.» - Yeah, sure ! - Facile à dire par quelqu'un qui peut vous citer des passages complets de Finnegan's Wake, encore faut-il se rappeler les quelques mots de ce passage ou savoir dans quelle édition [de Proust] Bergotte meurt deux fois !

«He's like that» as Mike Stamford mentions about Sherlock Holmes to Doctor Watson in that last version staring Benedict Cumberbatch. - I think he would have made a great troubadour. Not Holmes, Paul, and not the kind you might think of  :  a troubadour like those who could remember a two thousand lines poem, song or story after having heard it twice.

Mon père, qui s'est toujours tenu avec des jeunes, disait qu'ils [les jeunes] lui ont toujours sauvé des heures et des heures de recherches parce qu'ils savaaient tout. Je soupçonne Paul d'avoir été un de ceux-là ! - Doit travailler en catimini pour les rédacteurs d'encyclopédies.

«It's not a gift, he says. It's a curse... Like having a 20 terabytes hard disk in your head, but with no directories. »

N'empêche que lire des heures à la fois, pendant des jours et des jours, c'est fatigant. Surtout si, comme cela lui arrive constamment, on lui demande son opinion sur des choses que vous et moi refuserions de lire, même si on nous payait grassement. Cet homme, comme disait Baudelaire (vous voyez à quel point on finit par lui ressembler à force de se tenir avec lui) a plus de souvenirs que s'il avait mille ans !

I don't know if this is true but I have heard that Mick Jagger can remember all the words of all the songs he ever wrote or sang but he has to have, written on the floor or somewhere on the stage, the titles of those he has to sing because he can't remember the order in which he has to sing them regardless of how many concerts he has to do on a tour. - Memory is a curious thing. - My father says that he vividly used to remember his grandfather on his mother's side but, with the years (avec les années), his memory of him decayed until he became nothing more than a picture on a wall and then 5, 10 years later he might dream about him and, on the next day, waking up, he would remember him as if he had been there the day before. This is something I'm not looing forward to.

Et voici que Jeff me dit qu'il a beaucoup de difficultés à se souvenir de ses enfants quand ils étaient âgés de deux ou trois ans et qu'il n'a que de vagues images d'eux à cinq, six ans, sauf qu'il se souvenait très bien, par exemple, de la journée où sa plus jeune est tombée et s'est blessée à un genou et apercevoir son propre sang pour la première fois.

And what I have been reading lately ? - That's it ! I can't remember but I do remember, practically word of word what Paul asked me to check on «La sonate de Vinteuil» in my English edition...

Copernique

 

       Jeff Bollinger

Ouais... 

À propos d'un article paru dans Le devoir du samedi-dimanche 6 août dernier.

Cet article avait pour titre «Chroniqe d'anticipation de l'assimilation des francophones au Québec» et était signé Guillaume Marois, démographe.

J'ai cherché sur le WEB qui pouvait être ce Guillaume Marois et voici ce que j'ai trouvé sur le site du Conseil supérieur de la langue française [du Québec] (je ne savais même pas qu'un tel Conseil existait) :

Monsieur Guillaume Marois est titulaire d'une maîtrise en démographie de l'Université de Montréal et prépare actuellement son doctorat en démographie à l'Institut national de la recherche scientifique. Sa thèse, qui porte sur les projections de population à l'échelle locale, est soutenue par la bourse Joseph-Armand-Bombardier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Avant d'entreprendre son doctorat, il a travaillé quelques années à l'Institut de la statistique du Québec ainsi qu'au sein de l'Équipe de recherche sur le vieillissement de la population du Département de démographie de l'Université de Montréal. Il est également coauteur du livre Le remède imaginaire. Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec, qui a obtenu le prix Richard-Arès en 2012.

Et, à propos de ce conseil, ceci :

Le Conseil a pour mission de conseiller le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française sur toute question relative à la langue française au Québec.

À ce titre, le Conseil donne son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui soumet;
saisit le ministre de toute question qui, selon lui, appelle l'attention du gouvernement.
Pour l'accomplissement de sa mission, le Conseil peut recevoir et entendre les observations de personnes ou de groupes ; effectuer ou faire effectuer les études et recherches qu'il juge nécessaires. En outre, il peut informer le public sur toute question relative à la langue française au Québec.

Et à propos de son président (Pierre Boutet) :

Détenteur d'une maîtrise en communication, d'une scolarité de maîtrise en science politique, d'un baccalauréat en sociologie et d'un certificat en journalisme, Pierre Boutet a occupé, de 2013 à 2015, le poste de sous-ministre adjoint à l'enseignement supérieur au ministère de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Auparavant, à ce même ministère, il a été directeur général du financement de l'enseignement supérieur.

M. Boutet a auparavant assumé les fonctions de sous-ministre adjoint aux communications et aux institutions nationales au ministère de la Culture et des Communications, puis de directeur des relations avec les partenaires à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Pierre Boutet a également travaillé pendant quelques années à titre de conseiller auprès de la députation et de directeur de cabinet auprès de ministres à Québec. Il a aussi été consultant en communication et en affaires publiques.

Je vous laisse à vos préjugés (je conserve les miens) quant à ces postes d'importance capitale.

Pour ce qui est de la chronique de Monsieur Marois, cependant, j'aimerais ajouter ce qui suit, même si certaines parties ne sont que la répétition de ce qu'a déjà mentionné ici, Simon Popp.

 

TOUTES les langues sont sujettes à disparaître, tôt ou tard. - Il y a longtemps qu'on ne parle plus le grec ancien, le latin, le sumérien ou le sanskrit. Et, si ça peut en consoler quelques uns parmi vous, l'anglais, tel qu'on le parle aujourd'hui au Canada, aux États-unis, en Angleterre ou en Australie, n'existera plus dans trois, quatre, cinq cents ans. Déjà, ceux qui apprendraient l'anglais tel qu'on le parlait du temps de Shakespeare aurait aujourd'hui de la difficulté à se faire comprendre à Londres, à Oxford ou à Cambdrige (alors vous pensez... à Wichita, Kitchener (ontario) ou Terre-Neuve...) - Et, en France, on ne parle plus la langue de Corneille depuis plusieurs décennies et on l'écrit encore moins.

Moi, qui n'ai pas cent ans, de même que mon épouse, et mes enfants, ne parlons plus la langue de nos grands-parents. Et le français qu'on parle au Québec, tout autant que celui qu'on parle à Paris, à Lille ou à Perpignan, est appelé à disparaître d'ici un siècle ou deux. Le parigot n'existe plus déjà et, pourtant, comme on me le faisait remarquer il n'y a pas très longtemps, on le parlait encore il y a à peine cinquante ans. - Une sorte de revanche des Britanniques forcés de parler et d'écrire en français jusqu'à Henri VIII et qui n'ont pas encore noté que leur anglais est de plus en plus une sous-branche de l'américain.

Personnellement, je crois que ce serait un malheur que d'enseigner, ce que l'on fait encore, l'accord du participe passé avec le verbe avoir ou le plus-que-parfait du subjonctif en croyant qu'il s'agit là de bijoux qu'il faut conserver à tout prix dans un monde où la conversation tend de plus en plus à se limiter en textos de 140 lettres ou moins.

De la culture, je veux bien parler. De la grecque avec ses Homère, Eschyle et Sophocle ; de la romaine avec ses Cicéron, Tite-Live et Suétone ; et, en poussant un peu, je veux bien parler de celles de Rabelais, Villon et Ruteboeuf, illisibles, au demeurrant, depuis au moins deux siècles. De cette autre culture française également : celle de Voltaire, Balzac et Proust, mais me laisser dire que la mort du français - même universelle - serait une catastrophe, non.

Chose certaine, nous sommes, au Québec, présentement, dans un des endroits parmi les plus privilégiés au monde parce que nous pouvons apprendre sans difficultés à parler deux langues qu'ont dit encore vivantes : l'anglais et le français, et ainsi, découvrir le monde avec deux yeux, deux oreilles, deux approches différentes, ce qui, à ceux qui peuvent en profiter, est tout à fait extraordinaire car cet état des choses ouvre les portes d'une vision - appelons-là stéréoscopique - du monde.

Tant pis si les anglophones qui vivent parmi nous n'en profitent pas.

Autre chose qui me paraît évidente : il faudra, d'ici deux, trois cents (?) ans une traduction pour lire ceci. Et si vous ne me croyez pas, essayez de lire dans le sens contraire, des auteurs comme Ruskin dans l'anglais d'aujourd'hui.

Jeff

P.-S. : dans son article, Guillaume Marois prédit qu'en l'an 2040, la population francophone de Montréal sera passée de 65% à 50% ; qu'en l'an 2045, tous les partis indépendantistes seront disparus et remplacés par un parti «progressiste» issu du Parti Libéral ; que, parallèlement, les universités francophones passeront progressivement à l'anglais (des programmes de commerce et professionnels aux programmes de médecine et polytechniques, et finalement le reste) ; qu'en 2060, à l'exception des programmes de littérature, l'enseignement sera presque uniquement fait en anglais ; que la loi 101 sera abolie ; qu'en 2075, le terroir francophone n'existera plus... (Section Idées, le Devoir des samedi et dimanche du 6 août 2017)

Jeff

 


Pavlov ? Qui a dit Pavlov ?

Savez-vous qui j'envie ces temps-ci ? Les gens à la retraite. Comme Simon.

J'étais chez lui, il y a deux semaines. - Oh commencez pas ! - J'étais là en compagnie de Madame Malhasti, Paul, Copernique, Jeff et même Monsieur Pérec qui continue à nous demander de l'appeler Hermy. - C'était à l'occasion de rien. - «Venez prendre un verre» qu'il nous avait dit deux, trois semaines auparavant et comme il habite pas loin du quartier des spectacles, dans un des centres de Montréal, pas loin du métro, pas loin du terminus des bus qui déservent la banlieue, nous nous sommes dit pourquoi pas.

Jamais vu autant de livres, de disques, de bibelots et d'horloges (sic) dans un seul appartement, mais ce qui m'a frappée, ce fut l'ordre dans lequel ces choses étaient classées,  entassées... sauf que, comme il nous l'a expliqué, c'était un ordre apparent car ses livres, par exemple, sont classés par grandeur et non auteurs, par éditeur plutôt que par titre. «C'est la raison, qu'il nous a dit, pour laquelle je ne m'y retrouve jamais !» - Mais ce n'est pas ça que j'ai retenu.

Ce que j'ai retenu, c'est qu'il n'a pas d'horaire, pas d'agenda ; il mange quand il a faim, il dort quand il est fatigué et peut passer des heures à ne rien faire. - Rien faire ! Facile à dire. Ne rien faire, pour lui, consiste à écouter de la musique, lire, regarder des documentaires sur YouTube pendant des heures.

Mon rêve !

Je ne sais pas s'il a été comme ça toute sa vie, mais il est tout le contraire de ce que je suis. Continuellement stressée, toujours en retard, invariablement impatiente, avec une liste de choses à faire longue comme le bras.

Paraît que ça ne s'apprend pas, que ça ne se prépare pas, qu'on est comme ça ou qu'on ne l'est pas et qu'on arrive, à la retraite comme on est parti au début de sa carrière.

Correction : je n'envie pas les gens à la retraite. J'envie les gens qui sont, comme il le dit lui-même : «Pas intelligent et désorganisé.» - Bien sûr.

C'est l'histoire de Pavlov, assis dans un bar, et qui entend tout à coup le ding de la caisse enregistreuse. "Oops, dit-il. J'ai oublié de nourir les chiens !» (1)

Georges

(1) Merci, Éric, un ami de Simon qui était là ce soir-là et qui nous a raconté cette blague.

 

        Fawzi Malhasti

Texte choisi

Bonnes gens. Aimez-vous votre vie ?
Est-ce que vous m'entendez ?
Voici un couteau comme tous les autres.
Qui m'a coûté deux sous.

Je n'aurais qu'à l'enfoncer dans mon coeur
Et le ciel s'effondra
La terre disparaîtra sous vos pieds
Et vous ne serez plus.

(D'après A. E. Housman 1859-1936 - More Poems)

“Good creatures, do you love your lives
And have you ears for sense?
Here is a knife like other knives,
That cost me eighteen pence.

I need but stick it in my heart
And down will come the sky,
And earth's foundations will depart
And all you folk will die.”

Fawzi

 

         De notre disc jockey - Paul Dubé

Ah ! La dame en bleu !

Ceux qui me connaissent savent à quel point je place par dessus tout , côté musique - je ne veux pas dire "ordinaire" et je vais me contenter pour le moment de "populaire" - un bonhomme né en France, élevé à Buenos Aires et qui demeure un des plus grands chanteurs de tango de tous les temps, celui qui, à l'origine, s'appelait Charles - Charles Guardes - et qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de CARLOS GARDEL.

En second lieu, j'ai un chanteur du nom de FRED GOUIN qui est mort vendeur de frites.

Et en troisième, je vous étonnerai peut-être, mais y'a MICHEL LOUVAIN.

Ces trois noms vous diront peut-être quelque chose, peut-être pas, mais si je vous dis que, sur une échellet de 1 à 10 , je compte également parmi mes - je les appelle "clients" - cotés de 9, même 9 et demi, et plus : Bob Dylan, Mick Jagger et Tino Rossi. Ça devrait vous donner une idée de ce que je pense des ci-dessus nommés CARLOS GARDEL, FRED GOUIN et MICHEL LOUVAIN.

Oui. Des responsables de l'édition du Castor, j'ai réussi, cette semaine à faire dédier ce numéro à un bonhomme que je connais et que j'admire depuis longptemps : Michel Louvain.

Il a fait la une de la revue Voir du mois dernier. - Voir la photo ci-dessus (Jocelyn Michel Photo pour laquelle je n'ai pas eu le temps de demander la permission de reproduire, mais comme l'UdeNap n'en fait pas le commerce...) - À l'occasion de son QUATRE-VINGTIÈME ANNIVERSAIRE.

Michel, nous avons, pendant un bon bout de temps, eu le même coiffeur et je me disais tout le temps que ça n'avait aucun sens : que tu devais te [faire] teindre les cheveux, mais non. Je sais parce que, de cinq ans ton cadet, je n'ai jamais eu à passer par cette curieuse opération et si mes cheveux sont encore moins noirs qu'auraparavant, ils ne sont encore tout à fait gris, ni tout à fait blancs. - Et, j'étais, comme tout le monde, convaincu que tu portais une perruque ou, à tout le moins une postiche. mais là non plus.

Et je t'ai revu, il n'y a pas longtemps ; et tu n'avais pas changé. Avec cette petite différence ; c'est que moi, oui. Pas toi. Oh ! Je n'irai pas jusqu'à dire que tu paraissais dix ans plus jeune que moi... Tout de même ! Mais tu avais le même sourire, la même affabilité que lorsque je t'ai rencontré pour la première fois ; la fois où tu m'avais, chez toi, offert un café absolument infect.

Alors, en ton honneur, ce mois-ci, ta Dame en bleu :

Cliquez sur la note : Second

Note : pour nos suggestions et enregistrements précédents, cliquez ICI.

paul

 

Il y a quatre cent quatre-vingt ans...


Comment Pantagruel donna sentence sus le different des deux seigneurs

Alors Pantagruel se leve et assemble tous les presidens, conseilliers et docteurs là assistans, et leur dist : «Or, çza, Messieurs, vous avez ouy, vive vocis oraculo, le different dont est question. Que vous en semble ?»

A quoy respondirent : «Nous l'avons veritablement ouy, mais nous n'y avons entendu, au diable, la cause. Par ce, nous vous prions una voce et supplions par grace que vueilliez donner la sentence telle que verrez, et ex nunc prout ex tunc nous l'avons aggreable et ratifions de nos pleins consentemens.»

- «Eh bien, Messieurs, dist Pantagruel, puisqu'il vous plaist, je le feray ; mais je ne trouve le cas tant difficile que vous le faictes. Votre paraphe Caton. la loy Frater, la loy Gallus, la loy Quinque pedum, la loy Vinum. la loy Si dominus, la loy Mater, la loy Mulier bona, la loy Si quis, la loy Pomponius, la loy Fundi, la loy Emptor, la loy Pretor, la loy Venditor et tant d'aultres, sont bien plus difficiles en mon oppinion.»

Et, apres ce dict, il se pourmena un tour ou deux par la sale, pensant bien profundement, comme l'on povoit estimer, car il gehaignoyt comme un asne qu'on sangle trop fort, pensant qu'il failloit à un chascun faire droict, sans varier ny accepter personne ; puis retourna s'asseoir et commença pronuncer la sentence comme s'ensuyt :

«Veu, entendu et bien calculé le different d'entre les seigneurs de Baisecul et Humevesne, la Court leur dict :

Que, considerée l'orripilation de la ratepenade declinent bravement du solstice estival pour mugueter les billesvesées qui ont eu mat du pyon par les males vexations des lucifuges qui sont au climat dia Rhomès d'un matagot à cheval bendant une arbaleste au reins, le demandeur eut juste cause de callafater le gallion que la bonne femme boursouffloit, un pied chaussé et l'aultre nud, le remboursant bas et roidde en sa conscience d'aultant de baguenaudes comme y a de poil en dix huit vaches, et autant pour le brodeur.

Semblablement est declairé innocent du cas privilegié des gringuenaudes qu'on pensoit qu'il eust encouru de ce qu'il ne pouvoit baudement fianter, par la decision d'une paire de gands, parfumés de petarrades à la chandelle de noix, comme on use en son pays de Mirebaloys, laschant la bouline avecques les bouletz de bronze, dont les houssepailleurs pastissoyent conestablement ses legumaiges interbastez du Loyrre à tout les sonnettes d'esparvier faictes à poinct de Hongrie que son beau frere portoit memoriallement en un penier limitrophe, brodé de gueulles à troys chevrons hallebrenez, de canabasserie, au caignard angulaire dont on tire au papeguay vermiforme avecques la vistempenarde.

Mais, en ce qu'il met sus au defendeur qu'il fut rataconneur, tyrolageux et goildronneur de mommye, que n'a esté en brimbalant trouvé vray, comme bien l'a debastu ledict defendeur, la court le condemne en troys verrassées de caillebottes assimentées, prelorelitantées et gaudepisées comme est la coustume du pays, envers ledict defendeur, payables à la my d'oust, en may ; mais ledict defendeur sera tenu de fournir de foin et d'estoupes à l'embouchement des chasse trapes gutturales, emburelucocquées de guilverdons, bien grabelez à rouelle.
Et amis comme devant. sans despens, et pour cause.
»

Laquelle sentence pronuncée, les deux parties departirent toutes deux contentes de l'arrest, qui fust quasi chose increable : car venu n'estoyt despuys les grandes pluyes et n'adviendra de treze jubilez que deux parties, contendentes en jugement contradictoires, soient egualement contentez d'un arrest diffinitif.

Au regard des conseilliers et aultres docteurs qui là assistoyent, ilz demeurerent en ecstase esvanoys bien troys heures, et tous ravys en admiration de la prudence de Pantagruel plus que humaine, laquelle avoyent congneu clerement en la decision de ce jugement tant difficile et espineux, et y feussent encores, sinon qu'on apporta force vinaigre et eaue rose pour leur faire revenir le sens et entendement acoustumé, dont Dieu soit loué partout.

(Rabelais - Pantagruel - Chapitre 13)

 

L'extrait du mois


Christopher Hitchens sur son lit d'hôpital

Un extrait tiré de son dernier livre, Mortality - Édition12 (Hachette), Mai 2014
suivi de sa tradaptation par Madame Malhasti.

When I describe the tumor in my esophagus as a «blind, emotionless alien», I suppose that even I couldn't help awarding it some of the qualities of a living thing. This at least I know to be a mistake: an instance of the pathetic fallacy (angry cloud, proud mountain, presumptuous little Beaujolais) by which we ascribe animate qualities to inanimate phenomena. To exist, a cancer needs a living organism, but it cannot ever become a living organism. Its whole malice-there I go again-lies in the fact that the «best» it can do is to die with its host. Either that or its host will find the measures with which to extirpate and outlive it.

But, as I knew before I became ill, there are some people for whom this explanation is unsatisfying. To them, a rodent carcinoma really is a dedicated, conscious agent-a slow-acting suicide-murderer-on a consecrated mission from heaven. You haven't lived, if I can put it like this, until you have read contributions such as this on the websites of the faithful :

Who else feels Christopher Hitchens getting terminal throat cancer [sic] was God's revenge for him using his voice to blaspheme him? Atheists like to ignore FACTS. They like to act like everything is a «coincidence.» Really? It's just a «coincidence» [that] out of any part of his body, Christopher Hitchens got cancer in the one part of his body he used for blasphemy? Yeah, keep believing that, Atheists. He's going to writhe in agony and pain and wither away to nothing and then die a horrible agonizing death, and THEN comes the real fun, when he's sent to HELLFIRE forever to be tortured and set afire.

There are numerous passages in holy scripture and religious tradition that for centuries made this kind of gloating into a mainstream belief. Long before it concerned me particularly I had understood the obvious objections. First, which mere primate is so damn sure that he can know the mind of god? Second, would this anonymous author want his views to be read by my unoffending children, who are also being given a hard time in their way, and by the same god? Third, why not a thunderbolt for yours truly, or something similarly awe-inspiring? The vengeful deity has a sadly depleted arsenal if all he can think of is exactly the cancer that my age and former "lifestyle" would suggest that I got. Fourth, why cancer at all? Almost all men get cancer of the prostate if they live long enough: It's an undignified thing but quite evenly distributed among saints and sinners, believers and unbelievers. If you maintain that god awards the appropriate cancers, you must also account for the numbers of infants who contract leukemia. Devout persons have died young and in pain. Betrand Russell and Voltaire, by contrast, remained spry until the end, as many psychopathic criminals and tyrants have also done. These visitations, then, seem awfully random. My so far uncancerous throat, let me rush to assure my Christian correspondent above, is not at all the only organ with which I have blasphemed.

And even if my voice goes before I do, I shall continue to write polemics against religious delusions, at least until it's hello darkness my old friend. In which case, why not cancer of the brain? As a terrified, half-aware imbecile, I might even scream for a priest at the close of business, though I hereby state while I am still lucid that the entity thus humiliating itself would not in fact be «me.» (Bear this in mind, in case of any later rumors or fabrications.)

En traduction :

Quand je décris la tumeur dans mon oesophage comme un «étranger invisible et sans émotion», je suppose que. comme tout le monde, je ne peux m'empêcher de lui donner certains attributs d'un être vivant, mais je sais cependant que c'est une aberration : un sorte d'expressions linguistiques dont on se sert pour dire, par exemples, qu'un nuage est colérique, qu'une montagne est fière ou qu'un beaujolais est présomptueux. Pour exister, un cancer a besoin d'un organisme vivant, mais il ne peut jamais devenir, lui, un organisme vivant. Toute sa malice - et voilà que je recommets la même erreur - réside dans le fait que le «mieux» qu'il peut faire est de mourir avec son hôte. Ça ou son hôte trouvera les moyens pour l'extirper et lui survivre.

Mais, comme je le savais avant de tomber malade, il y a des gens pour qui cette explication est insatisfaisante. Pour eux, un rongeur carcinome est vraiment un organisme conscient et dédié à une tâche précise : celle de se suicider tout en tuant lentement quelqu'un d'autre. Une sorte de mission que lui a confiée la Providence. Voilà peut-être une chose une chose à laquelle vous n'avez pas pensé à moins d'avoir lu certains passages comme celui qui suit et que vous trouverez facilement dans les blogs de certains fanatiques :

Qui saurait nier la possibilité que le cancer dont aujourd'hui est atteint Christopher Hitchens est la vengeance d'un Dieu envers celui qui a utilisé sa voix pour le blasphémer ? Les athées aiment ignorer les faits. Ils aiment agir comme si tout était «coïncidences». Vraiment? Ce serait une une «coïncidence» que, de toutes les partie du corps de Christopher Hitchens, un cancer se soit attaqué à celle qu'il a utilisé pour ses blasphèmes ? Continuez, chers athées à croire le contraire, qu'il s'agit là d'un «hasard». Sachez cependant que c'est précisément par là qu'il va mourir et par là qu'il va se tordre de douleur avant de dispaître à jamais de la surface de la terre et - et c'est là que le vrai plaisir débutera - il se retrouvera en enfer pour souffrir dans des flammes éternelles.

Il existe de nombreux passages dans les saintes Écritures et la tradition religieuse qui, pendant des siècles, ont fait de cette sorte de regaudissement une croyance dominante. Bien avant que cela m'intéresse particulièrement, j'avais compris les objections évidentes. Tout d'abord, quel primat epeur se vanter de connaître les intentions de Dieu ? Deuxièmement, les auteurs qui ont écrit des choses semblables ont-ils souhaité que leurs opinions soient lues par mes inoffensifs enfants, qui ont déjà beaucoup du mal à trouver leur voie ? Troisièmement, pourquoi ne serai-je pas mort d'un coup de foudre , ou quelque chose d'aussi inspirant ? La divinité vengeresse a-t-elle un arsenal si pauvre que tout ce qu'elle a pu trouver pour me faire disparaître est un cancer que mon âge et mon mode de vie laissaient supposer ? Quatrièmement, pourquoi le cancer ? Presque tous les hommes ont un cancer de la prostate s'ils vivent assez longtemps : c'est une chose indigne, mais également répartie entre les saints et les pécheurs, les croyants et les incroyants. Si vous soutenez que Dieu accorde des cancers appropriés à chaque pêcheur, vous devez également tenir compte du nombre de nourrissons qui contractent la leucémie. Certains dévots sont morts jeunes et dans la souffrance. Betrand Russell et Voltaire, en revanche, ont eu une bonne santé et une longue vie, tout comme certains criminels, certains psychopathes et divers tyrans. Ce genre de contradictions me semblent très aléatoires. Permettez, quand même, puisque je peux encore parler. d'attirer vos attentions, chers rédacteurs de messages comme ceux que vous écrivez, que ma voix n'a pas été le seul organe avec lequel j'ai blasphémé.

Car si ma voix disparaît avant je le fasse, je pourrai toujours continuer à écrire des polémiques contre les illusions religieuses, du moins jusqu'à ce que mon cerveau s'éteigne. Mais puisque j'y pense, pourquoi ne pas m'avoir donné, justement, un cancer du cerveau ? En imbécile terrifié et à demi conscient, j'aurais peut-être même crié, avec un tel cancer, pour qu'un prêtre vienne à mon chevet. Laissez-moi terminer en déclarant que, pour le moment, je suis encore lucide et que l'entité que je pourrai devenir avant de mourir dans un tel état ne sera pas «moi». Cela, pour démentir à l'avance toute rumeur ou mensonge qu'on pourra dire après ma mort.

 

Book Review - Lectures


1 - Qui lit ce genre de livres ?

Denis Bombardier - Plus folles que ça, tu meurs
Flammarion, Édito - 2017

David Mendelson - Le verre et les objets de verre dans l'univers imahginairee de Marcel Proust
José Corti - 1968

Bernard Lechevalier - Le cerveau mélomane de Baudelaire (Musique et neuropsychologie)
Odile Jacob - 2010

***

Ma deuxième question est : qui, après les avoir supposément lus, revend ce genres de lire ?

Je le demande parce que ma copie du livre de Lechevalier, trouvée chez un revendeur de livres d'occasion, est dédicacée. - Qui ose revendre un livre dédicacé ? - J'en ai ici. Je ne dirai pas beaucoup, mais un certain nombre et jamais il me viendrait l'idée de m'en départir. Sauf pour en faire un legs à une bibliothèque. Ce que, de toutes façons, j'ai l'intention de faire ; soit directement, soit par l'intermédiaire d'une amie.

***

Denis Bombardier - Plus folles que ça, tu meurs
Flammarion, Édito - 2017

On me l'a offert. Je l'ai lu. En diagonale. Parce que des histoires de femmes dans la soixantaine, j'en vis déjà assez, surtout de la soixantaine dont parle Denise Bombardier.

Je précise tout de suite :

Oui, il est vrai que les hommes se retournent quand ils croisent une belle femme, surtout une belle jeune femme. C'est animal, instinctif, presque involontaire. Je le fais régulièrement, mais, à mon âge, je les regarde sans arrière-pensée. Je dirais même que je les regarde tout comme je regarde les beaux enfants et même les beaux jeunes homme. - La jeunesse demeure fascinante sauf qu'entre une jeune fille avec une tête de linotte et une dame, même considérablement avancée en âge qui est intellectuellement intéressante, que ce soit autour d'un café ou au Ritz, je préfèrerais, et de loin, la madame.

Pour la madame qui s'habille encore en jeune fille et qui joue des fesses espérant encore séduire (ou plutôt se faire séduire), vous pourrez repasser.

Et c'est justement, il semblerait, l'objet de ce livre où l'on parle de sexe, de flirt et surtout de l'ennui avec une touche de désespoir - parce qu'on ne réussit plus à plaire - entremêlé de dérision et d'humour. Tentative de refaire sa vie ou de se faire, enfin, une vie ? Également. Beaucoup trop de lieux communs.

Est-ce bien écrit ? Oui, mais pas de quoi s'en servir comme modèle.

À la question que je me pose, à savoir qui achète ce genre de livres, substituez «qui écrit ce genre de livre ?» - La réponse est dans le nom de son auteur (auteure, si vous préférez) : Denise Bombardier.

Paraît qu'elle a des fans.

***

David Mendelson - Le verre et les objets de verre dans l'univers imaginairee de Marcel Proust
José Corti - 1968

Je croyais, après avoir lu «La convergence stylistique chez Proust» (Yvette Louria - A.-G. Nizet, 1971) atteint le fond des fonds des livres autour de l'auteur d'À la recherche du Temps perdu, mais, sauf une remarque lu quelque part qu'il n'y avait qu'un seul animal dans tout ce roman (on les a comptés ?), il était évident que je m'étais trompé. Ce «Verre et les objets de verre» m'a donc surpris jusqu'à ce que j'en lise les titres des chapitres.

Ce n'est pas juste du verre et des objets de verre dans l'univers proustien dont il est question dans ce livre mais du verre et des objets de verre au XIXe et XXe siècle.

D'une certaine manière, il ne reste qu'une façon de décrire un tel livre - comme je le ferai pour le suivant, c'est d'en donner les titres ou sous-titres de quelques chapitres :

  • Le verre et les objets de verre dans la société française à la fin du XIXe et au début du XXe siècle

  • Le verre est les objets de verre dans la littérature française à la fin du XIXe et au début du XXe siècle

  • Irruption du souvenir, de la rêverie et du rêve au sein de la réalité romanesque à travers les parois vitrés d'"À la recherche du Temps perdu"

  • Désintégration, par la vision, de la réalité appréhendée par la perception grossière - Le verre, matériau privilégié de l'imagination matérielle

  • Révélation finale du "décor central" de l'univers proustien - Tout grand artiste nous révèle ainsi son univers : cf. la Berma, Elstir et Vinteuil...

Évidemment, pour ce qui est du titre, un livre sur les objets de verre et Proust se vend mieux qu'un livre sur les objets de verre.

***

Bernard Lechevalier - Le cerveau mélomane de Baudelaire (Musique et neuropsychologie)
Odile Jacob - 2010

On m'a déjà parlé d'une psychanalyse de Baudelaire qui aurait été publié dans les soixante (ou serait-ce de Poë ?). Je n'en ai jamais vu une seule copie et si j'en avais eu une à la portée de la main, je l'aurais laissée en place. Pas que je suis contre la psychanalyse, ni la psychologie, mais pourquoi je m'intéresserais aux bibittes dans la tête des autres ? - Or, ce livre qui a pour toile de fond Baudelaire est un livre de psychologie. Pas de la psychologie de Baudelaire, mais de ce qui se passe dans la tête des mélomanes, des amateurs de musique ou même de monsieur-tout-le-monde lorsqu'ils entendent des accords, des mélodies, des sons dits musicaux.

Je suppose que ça peut être fascinant, mais à la lecture de certains titres de chapitre, j'ai laissé tomber. Not my cup of tea :

Quelques titres ou sous-titres de ces chapitres ?

  • Les réseaux des neurones impliqués dans le langage musical intérieur

  • La théorie génératrice de la musique tonale

  • Le ptit pianoforte de la rue Hautefeuille

  • Qu'est-ce que le temps fresque ? - Percevoir des durées successives.

  • Les deux sources du rythme selon Olivier Messian : vers latin et plein-chant.

Et Baudelaire, dans tout ça ? - Il est cité 33 fois dans l'index. - Plus de fois que Wagner : 27 fois (quoique son Tannhauser, à lui seul, est cité 26 fois). - Et puis y'a Mozart : 18 fois. - Au passage ? Vous reconnaîtrez sans doute Bach, Beethoven, Litz, Prokofiev et Rameau. Proust également. Et Bergson.

***

2 - Et quoi d'autres ?

Parmi les autres livres qui sont passés sur mon bureau au cours du mois dernier, j'en ai retenu deux :

Jacques Réda - Le citadin, chronique
NRF-Gallimard 1998

Ce livre n'est, en fait, pas «passé par mon bureau». Je l'ai, pour ainsi dire, «trouvé» par hasard dans ma bibliothèque parmi d'autres livres de la nrf-Gallimard. Depuis combien de temps était-il là ? Quand je me le suis procuré ? Et pourquoi ? Je n'en ai aucune idée.

Jacques Réda ! Doit bien être mort, je me suis dit. Mais non : il est encore vivant. 88 ans cette année. Je me suis souvenu de lui à cause de ses écrits sur le jazz que je lisais il y a 20, 30 ans. Bien avant ce livre de chroniques (sans «s» dans le sous-titre) où, en quatre saisons et une série hors-saisons, il nous décrit ce qu'il a vu et ce à quoi il pensait au cours de différentes promenandes dans Paris et sa grande banlieue (Bagnolet, Levallois-Perret, Maison-Alfort, etc.) : 48 réflexions sur le temps qui passe, les monuments de la ville-lumière, l'architecture, les courses, les cigarettes, le transport en commun... - On y précise même les numéros des bus.

Voilà un genre [de littérature] que j'affectionne particulièrement. - C'est court - deux, trois pages par chronique -, c'est rafaîchissant, ça fait réfléchir et, surtout, depuis que l'Internet existe, on peut déambuler avec l'auteur et visionner ce qu'il nous décrit grace à Google Maps.

J'en suis au trois-quarts et je fais, comme on le fait avec tous les bons livres, je ralentis quelque peu mon rythme de lecture parce que je sais que, lorsque je l'aurai terminé, il n'y aura plus rien. Quoiqu'on peut toujours relire.

Pour amateur seulement, mais, justement, j'en suis un.

Encore disponible chez Amazon, mais pas à la FNAC. - Note : en existe un exemplaire disponible à la Grande Bibliothèque du Québec.

***

Hermann Hesse - Narcisse et Goldmund
Traduit de l'allemand par Fernand Delmas
Le livre de poche - 2012
(Originellement paru chez Calmann-Lévy - 1948

(Quelques commentaires en pré-lecture...)

Un classique. Et un classique de la littérature allemande.

Je n'ai jamais été friand de la littérature allemande. De la musique, oui, mais de la littérature... - Je m'y suis essayé plusieurs fois. Avec Goethe, entre autres. Thomas Mann également. J'ai beaucoup lu aussi divers poèmes ayant servi de base aux cinq cent et quelque lieder de Schubert. Mais pour une raison quelconque, je m'y suis jamais accroché. Serait-ce à cause la langue ? De la façon qu'ont les Allemands d'écrire ? Ou de mauvaises traduction ? Je ne sais pas .

J'ai lu, en traduction et parfois même directement, ou côte-à-côte, des textes écrits en latin, en grec, en anglais, en italien, en espagnol, en portugais même, et y est découvert de grands écrivains, mais en allemand, non. Je n'ai jamais réussi à m'y embarquer complètement.

Aussi, quand un ami m'a offert ce livre, ai-je beaucoup hésité à l'accepter et depuis que j'ai commencé à le lire, j'en reviens à ma première idée : les Allemands ne savent pas écrire ou, s'ils le savent, ils écrivent dans une langue ou un style intraduisible. Et, à mon âge, je ne me mettrai pas à apprendre l'allemand au cas où... ayant, plus jeune, appris quelques détails sur son vocabulaire, la forme de ses verbes, l'ordre de ses mots dans une phrase, enfin : tout ce qui m'a rendu quelque peu sceptique quant à l'intérêt que j'aurais pu y avoir.

Mais nous ne sommes pas là pour parler de langues, n'est-ce pas ?

Alors nous y reviendrons.

paul

 

Le courrier


Mr. Henry Tillman

William Tecumseh Sherman (1820-1891).

M. Jean-Yves Johnson

Limey. - De "lime" (citron vert ou limette), remède découvert contre le scorbut et qu'on administrait aux membres de la marine britannique.

M. Gérard Petitjean

Big cheese ou grosse légume.

Ms Germaine Taylor

Le Château Lafite Rothschild 1961, le Château Cheval Blanc, 1961 et le Château d'Yquem de la même année. Les trois sont considérés comme les meilleurs crus de tous les temps, mais seulement dans le monde connu.

M. Maurice Morrissette

Les mots "vaccin" et "vaccination" proviennent du latin "vacca" (vache) car c'est à partir d'un forme de variole affectant ces ruminants qu'on a créé le vaccin anti-variole (au 18e siècle).

Mr. Hasim Rahman

George Bauer, dit Georgii Agricola, professeur de grec, de latin puis de grammaire, de physique, de chimie et de linguistique, qui devint par la suite médecin dans un ville minière de ce qui serait aujourd'hui la République Tchèque où il écrivitt De Re Metallica (1556) ou tout ce que vous voulez savoir sur les mines et la métallurgie. - Né en 1494, décédé en 1553.

M. David Ruiz

A. K. A. ou As Known As. - Alias, en français.

M. Akifumi Shimoda

Horace-Bénédict de Saussure, géologue et alpiniste (1740-1799), au nom de qui on a presque renommé le Mont-Blanc et qu'il ne faut pas confondre avec Ferdinand de Saussure, le linguiste, né en 1857 et décédé en 1913.

Mr. Juan Manuel Marquez-Pacquia

La forme des cuvettes et des sièges de toilette (de même que leur couvercle) date de 1884.

Ms Nicolas-Claude Fabri de Peiresc

Ambassadeur du Zimbabwe dans les Antilles Mineures.

M. Godefroy de Tête-en-Pointe

La Gazette de St-Romuald-et-Etchemin offre, en effet, 10.000 $ à toute personne qui pourra lui faire parvenir une copie d'une étude sérieuse sur la nocivité de la fumée secondaire des cigarettes publiée dans un magazine de médecine reconnu tel que  The Lancet, The New England Journal of Medicine, Le Journal International de Médecine ou The International Journal of Medical Sciences car il n'y en aurait eu aucune.

 

Cette édition du Castor est dédiée à :



Michel Louvain
80 ans le 12 juillet dernier

(Photo : Jocelyn Michel - Revue VOIR - Juillet 2017)

c

Alexander Boris
de Pfeffel Johnson

Secrétaire d'État
Grande Bretagne

Donald John Trump
Président
États-Unis d'Amérique .
Geert Wilders
Chef du Parti pour la liberté
Pays-Bas

Q - Serions-nous envahis par des extra-terrestres...
rconnaisables à leur chevelure ?

          

 

Webmestre : France L'Heureux

Webmestre : Éric Lortie

Webmestres : Paul Dubé et Jacques Marchioro

 

Fondé en 1900 par le Grand Marshall, le CASTOR DE NAPIERVILLE fut, à l'origine, un hebdomadaire et vespéral organe créé pour la défense des intérêts de l'Université de Napierville et de son quartier. - Il est , depuis le 30 septembre 2002, publié sous le présent électronique format afin de tenir la fine et intelligente masse de ses internautes lecteurs au courant des dernières nouvelles concernant cette communauté d'esprit et de fait qu'est devenu au fil des années le site de l'UdeNap, le seul, unique et officiel site de l'Université de Napierville.

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